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désintéressement intelligent et équitable. L’Allemagne pourrait ; revenir alors à ses traditions naturelles, à ses aspirations légitimes, qui la portent bien plus vers les institutions fédérales américaines que vers le césarisme caduc de l’Europe. Il n’y aurait plus entre elle et nous que les généreuses et bienfaisantes émulations de la paix. Il y a matière à réflexion dans ces considérations, non-seulement pour nous, Français, mais, encore pour les esprits élevés de l’Allemagne. Pourquoi l’Allemagne se laisserait-elle entraîner dans une position fausse parce que la marche de la France de 1789 a éprouvé une déviation temporaire ?

L’impasse où se trouve l’Italie ne fait pas plus d’honneur que l’état de l’Allemagne à la sagacité et à la dextérité de notre gouvernement. Là aussi il y a une double position fausse, la nôtre et celle de l’Italie. Nous venons d’assister, à propos de Rome, à un nouveau roman garibaldien. Garibaldi est dans la logique de ses idées et de sa carrière, mais le héros à la chemise rouge n’a pas au moindre degré le sentiment de l’opportunité. Le bonhomme s’est exposé à produire un beau dégât. S’il lui avait été permis de faire un pas de plus, il allait brouiller à jamais les cartes entre l’Italie et notre gouvernement. On croit généralement en effet que, si l’état pontifical eût été envahi par les volontaires, une division française eût été aussitôt débarquée à Civita-Vecchia. La seule alliance intime sur laquelle notre gouvernement ait droit de compter eût été rompue ; c’eût été comme si nous avions donné une seconde fois, mais ce coup-ci pour longtemps, l’Italie à la Prusse. L’adresse de M. Rattazzi, concertée avec la bonhomie de Garibaldi, nous a préservés de cette infortune. Le chef des volontaires a eu la complaisance de céder à une arrestation conduite, comme il convenait, avec la plus exquise politesse par les officiers de carabiniers qui en avaient reçu le mandat de M. Rattazzi. Garibaldi a été ramené à Caprera après avoir passé dans une forteresse une nuit d’auberge. L’épisode n’a point été brillant, mais il était un chapitre obligé de l’action. Le catholicisme, dans le sens le plus universel du mot, représenté par plus de cinq cents évêques, venait de consacrer encore une fois par une démonstration imposante la prétention de l’église à la possession de Rome. Comment voulait-on que cette manifestation ne fût point suivie d’une protestation des esprits ardens qui veulent séculariser Rome et l’ont décrétée capitale de l’Italie ? Comment voulait-on que Garibaldi ne fût point mis en scène ? Le projet révolutionnaire n’a point réussi ; mais Garibaldi est en règle : il a fait sa protestation. Au point de vue de l’ordre maintenu au jour le jour, on peut se réjouir du dénoûment innocent de cette tentative, qui s’est bornée à l’interruption brusque d’une agitation oratoire. L’entreprise, de Garibaldi avait l’inconvénient d’être blessante dans la forme pour le gouvernement français et de surprendre le gouvernement italien au milieu de grands embarras. On ne sait peut-être pas généralement que l’occupation