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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre 1867.

On pourrait appeler le mal politique dont la France souffre réellement aujourd’hui l’angoisse de l’ignorance. Politiquement nous sommes un peuple qui ne sait point ce qu’il a à faire. Partout autour de nous, nous voyons des nations qui ont de grands buts clairs et à qui le sentiment d’une tâche à remplir, le labeur des œuvres commencées, l’ambition d’un succès probable, communiquent l’activité, la sûreté d’impulsion, la vie. L’Allemagne actuelle connaît certes, à l’heure qu’il est, sa vocation positive, et s’y attache avec une énergie résolue. La Russie a ses aspirations panslavistes, excitées par les fermentations du monde oriental. L’Autriche est occupée à se refaire une puissance par des combinaisons nouvelles de gouvernement intérieur. L’Angleterre vient de donner à sa constitution un développement considérable ; elle a réalisé une réforme électorale qui élargit son système représentatif, et elle prévoit déjà les autres améliorations politiques dont la nouvelle loi électorale sera l’instrument. L’Italie elle-même a beau trouver prématurée l’impatience de ses hommes d’action et se mettre en travers de Garibaldi faisant mine de vouloir porter le dernier coup au gouvernement ecclésiastique à Rome ; l’achèvement de l’unité par l’affranchissement de Rome est toujours pour elle le but suprême : après les prodiges qui ont été en si peu d’années accomplis à son profit, un temps de repos est même pour elle une condition nécessaire de la consolidation de l’œuvre entreprise ; elle peut d’ailleurs rendre ce loisir fécond en se donnant une organisation financière et administrative régulière et prévoyante. Partout, dans les pays que nous venons d’énumérer, il y a des buts d’action, prochains ou lointains, qui saisissent les esprits, animent l’opinion nationale, inspirent aux peuples des ambitions patriotiques, et nourrissent en eux la foi dans l’avenir. C’est ce grand ressort, ayons la sincérité et le courage de le reconnaître, qui fait en ce moment défaut à la France.