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titre d’épouse que de femelle, — le mot lui appartient. Les utopistes modernes ne vont pas jusque-là ; mais n’approcheraient-ils pas de cette erreur quand ils réclament pour la femme les droits du citoyen et un rôle politique ? L’esprit ferme et sain de Plutarque n’assignerait-il pas mieux à la femme sa vraie place en la maintenant au foyer ? Il lui rappelle que sous le pied de la Vénus Uranie, déesse de l’amour pur, Phidias avait placé une tortue, symbole expressif et la vie silencieuse et retirée ; mais là, dans le demi-jour et près de ses autels, il veut qu’il ne lui manque aucun des purs rayonnemens de la femme accomplie. Et voyez l’infaillible bon sens du moraliste : un autre confierait peut-être ce perfectionnement de la jeune mariée au gouvernement, à la loi, à l’influence sacerdotale, que sais-je ? Lui, il n’en charge que deux personnes, la femme elle-même et son mari.

Or enseigner à une femme qui l’est d’hier à peine comment elle régnera sans partage sur le cœur de son mari et comment elle rendra vains les efforts audacieux de ses terribles rivales, c’est une tâche malaisée : En l’abordant, Plutarque mettait le pied sur des charbons ardens. Il s’est tiré de ce pas avec autant d’honnête hardiesse que de réserve délicate. Un point entre tous était scabreux alors comme aujourd’hui. Est-il décent que les femmes honnêtes combattent les femmes galantes avec leurs propres armes ? De« nos jours, an semble le penser ; de part et d’autre, mêmes couleurs, mêmes enseignes. Telle est souvent la ressemblance qu’il devient impossible de distinguer. Les hommes prudens se récusent ; mais la foule juge sur l’habit, et alors quel beau succès que d’être confondue avec des créatures méprisées ! Cette concurrence agressive expose l’honneur à trop de hasards. La conduite recommandée par Plutarque est purement défensive, et consiste à prendre à l’ennemi ses qualités, mais rien de plus. Médecin de l’âme et directeur de conscience, il a, le droit de tout dire, et il dit tout. Ne craignez pas néanmoins qu’il dépasse la mesure ; il s’exprime en confesseur marié qui connaît et ménage les sentimens auxquels il touche. S’il va plus loin qu’aucun moraliste moderne, nul ne sait aussi bien que lui nuancer, sous-entendre et s’arrêter à temps. Qu’on en juge par les conseils que voici, choisis çà et là. — « Laissez, dit-il à la jeune femme, laissez aux courtisanes les souliers brodés d’or, les bijoux, les robes de pourpre, les parfums excitans et tout leur arsenal de séduction corruptrice. Empruntez-leur toutefois, en le purifiant, l’art suprême de vous faire aimer. Ayez la grâce souriante, l’exquise décence et cette beauté ingénue et irrésistible qui n’est que la floraison de la vertu. Le piquant agrément de la personne et des mœurs donne à l’honnêteté une saveur délicieuse. Que