mun, tandis que le mot convivium veut dire celle où l’on vit en semble, parce que nulle part on ne jouit mieux du charme de la société. » Les repas avaient gardé ce caractère sous les empereurs, qui y cherchaient eux-mêmes le plaisir de briller dans de savantes discussions et de remporter de faciles victoires littéraires sur des adversaires prudemment résignés à la défaite. Insensiblement ces entretiens avaient acquis tant d’importance qu’on en avait dressé le code, posé les règles et prévu jusqu’aux moindres incidens. On y célébrait avec solennité certains anniversaires religieux et poli tiques. Parfois en été les convives se donnaient rendez-vous au bord de la mer ou sur une montagne, et là, quand les forces étaient réparées et l’esprit légèrement excité par un vin généreux, on commençait quelque lecture intéressante, ou bien la conversation s’engageait. Il y avait enfin des séances intimes dont l’accès était permis aux femmes et aux jeunes gens. Le programme en était moins sévère : aux entretiens, qui en demeuraient la partie principale, se joignaient des concerts, des représentations mimées et des scènes d’art plastique pareilles sans doute à ces tableaux vivans, objet depuis quelques années des admirations, des médisances ou des railleries parisiennes. Les Romains ont été nos maîtres dans la composition de ces soirées où le dilettantisme moderne appelle tous les arts à varier ses plaisirs : Plutarque fréquentait volontiers ces assemblées ; il y saisissait les occasions de déployer ses talens. Toutefois il était trop sérieux pour n’y poursuivre que des satisfactions d’amour-propre. Autant qu’il était en lui, il écartait les épisodes scabreux, et s’y prenait assez adroitement pour conserver à la philosophie la présidence de tous les entretiens.
D’après ce premier coup d’œil jeté sur la jeunesse et sur la personne de Plutarque, et sans rentrer encore avec lui à Chéronée, où nous le retrouverons bientôt, il est aisé de voir qu’il a eu, comme tous les hommes d’un vrai talent, une vocation précoce, énergique et persévérante ; comme eux aussi, aux suggestions de l’instinct à a ajouté les lumières de la science acquise. Autant son dessein de guérir les âmes est noble et hardi, autant sont justes les connaissances psychologiques d’après lesquelles il en conduit l’exécution. Dans la poursuite d’un tel but, on peut commettre bien des fautes. La plus ordinaire consiste à vouloir fonder la morale sur un seul de ses nombreux appuis et à établir la thérapeutique spirituelle sur une physiologie incomplète. Voyez plutôt ce qu’ont rêvé naguère et ce que rêvent encore de sincères amis de l’humanité. Les uns s’imaginent qu’une maladie unique, l’ignorance, dévore la société actuelle ; ils en concluent qu’un seul remède lui est nécessaire, l’instruction, et s’attachant uniquement à cette pensée, d’ailleurs