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colère ou à la vengeance, passions violentes, vices honteux, on dévoilait toutes ses infirmités, on étalait à nu toutes ses plaies. Quand le confesseur était suffisamment instruit, il abordait enfin le rôle difficile de médecin de l’âme. Quel médecin accompli que celui qu’a dépeint Plutarque ! Non content de prescrire le remède imploré là, au pied de sa chaire, il laissait sa maison ouverte à qui le voulait consulter. Bien plus, il entrait à l’improviste chez ses cliens, surprenait son malade ou, si l’on veut, son pénitent au milieu de ses occupations journalières, apprenait à le mieux connaître et n’avait de repos qu’après l’avoir mis en pleine voie de guérison. Trop expérimenté pour se payer de promesses, il demandait des actes, des sacrifices, d’héroïques renoncemens. Parfois il recueillait le fruit de tant de peines. Le passage subit d’une vie licencieuse à une conduite austère, la réconciliation de deux frères, la pacification de deux époux, que sais-je ? l’abandon immédiat d’une maîtresse, tels étaient ses triomphes, ses joies et ses récompenses.

Voilà le portrait du médecin de l’âme que Plutarque nous a laissé. Pour le dessiner d’une main si ferme et pour reproduire ce modèle pendant une vie entière sans se démentir jamais, il fallait plus que du bon sens, et un peu de génie n’était pas de trop. On objectera que Plutarque, n’a pas inventé la médecine de l’âme : j’en conviens, et je l’ai déjà dit ; mais il y a deux sortes de génie, le génie inventif qui par la puissance de l’intuition découvre les idées fécondes, et le génie de l’enseignement et de la pratique qui tire les conséquences des idées, en organise les résultats et en impose au monde la bienfaisante influence. Or c’est là le signalé service que Plutarque a rendu. à la médecine morale. Il y pensait sans cesse ; il ne perdait aucune occasion d’en accroître l’autorité et les effets. Il essaya de lui faire une place jusque dans certaines réunions romaines fort en vogue de son temps, je veux parler des entretiens de table dont il est peut-être l’historien le plus véridique et le plus complet.

Les Grecs, passionnés pour les banquets en avaient introduit la mode à Rome. Au premier siècle de notre ère, les esprits cultivés que la, politique n’occupait plus trouvaient dans ces réunions élégantes une distraction qu’ils goûtaient vivement. On y était, paraît-il, aussi curieux de conversations raffinées et de propos subtils que friand de mets rares et de vins exquis. Cent ans auparavant, Cicéron vantait déjà les banquets comme la plus agréable récréation pour les intelligences fatiguées. « L’esprit, écrivait-il, ne se délasse jamais mieux que dans les entretiens familiers entre convives. Chez nous, le nom des banquets est plus exact que chez les Grecs. Le mot συμπόσια signifie une réunion où l’on boit en com-