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C’est une sorte de demi-expropriation pour cause d’utilité publique qui frappe les opposans, mais qui les enrichit malgré eux, comme dans le système des polders en Hollande et des wateringen dans les Flandres. La province ou l’état leur prête souvent des fonds à un petit intérêt et les autorise à employer leurs ingénieurs. En 1865, 102 de ces associations opéraient sur une étendue de 450,000 hectares. Le budget des dépenses faites pour l’agriculture, les haras et les écoles ne s’élevait, recettes déduites, qu’à 3,141,000 francs, et celle pour les quatre académies agricoles ne dépassait pas 92,000 fr. Sous le ministère de l’agriculture fonctionne une commission centrale, Landes-OEconomie-Collegium, dont le secrétaire est un écrivain agronome bien connu, M. G. Von Salviati. En 1862, l’entretien des bâtimens et du mobilier de ce ministère n’a coûté que 1,200 thalers (4,410 fr.) Ces chiffres montrent avec quelle merveilleuse économie procède l’administration.

Nous venons de voir que la diffusion de l’instruction et des notions scientifiques est la cause principale du récent progrès de l’agriculture prussienne. Il convient d’ajouter que les habitudes de la classe aisée y ont contribué, et que l’action économique de l’état n’y a point apporté d’obstacle. Voilà deux points qu’il nous reste à éclaircir. En Prusse, les villes ne sont ni belles ni gaies. L’homme d’étude y rencontre de quoi satisfaire largement ses goûts ; l’homme de plaisir n’y trouve que de l’ennui. Heureux le pays dont les villes sont ennuyeuses, elles chassent les riches à la campagne, et celle-ci en profite. Il n’est point de contrée où les villes soient plus sombres qu’en Angleterre ; il n’y en a point dont l’agriculture soit plus prospère. Jusqu’à ces derniers temps, le propriétaire prussien était pauvre parce que la terre rapportait fort peu. Comme il avait de l’ordre, il résidait la plus grande partie de l’année dans son domaine, dont il s’efforçait d’augmenter le revenu en y appliquant ses épargnes et son intelligence. L’hiver, s’il se décidait à quitter les champs, il se contentait d’un appartement modeste où il vivait avec économie ; mais il voulait que sa résidence d’été fût aussi comfortable que ses moyens le lui permettaient. C’est ainsi que s’est élevé ce nombre considérable de maisons de campagne qu’on rencontre dans presque toutes les provinces et pour lesquelles les architectes allemands ont adopté un style mixte qui n’est pas sans grâce. Comme dans le drame de Goethe Hélène et la Grèce viennent se mêler à la légende de Faust et aux souvenirs du moyen âge, dans ces constructions des motifs d’ornementation byzantine ou romane relèvent les lignes droites et les profils sévères de l’architecture antique. Presque tous les propriétaires font valoir eux-mêmes leurs biens ; à moins qu’il ne s’agisse de parcelles, la location est l’exception. Ils sont donc retenus aux champs par le soin