sans peine de quelle utilité peuvent être ces hommes de science dans un pays où l’on veut introduire une culture rationnelle et où l’on aime à procéder méthodiquement. Nulle part, dit-on, les études chimiques ne sont plus avancées qu’en Allemagne ; nulle part en tout cas elles ne sont plus répandues. Il y a un très grand nombre de jeunes gens qui entourent les maîtres en renom, qui travaillent avec eux dans le laboratoire, et qui se répandent ensuite dans toute la contrée, se contentant d’une position très modeste et y rendant de grands services à l’industrie et à l’agriculture.
Afin de pousser au progrès et de généraliser les bonnes pratiques, il s’est formé de tous côtés des associations agricoles. La Prusse en comptait, en 1864, 519 avec 64,000 membres et un revenu de 141,000 thalers. Depuis dix ans ce chiffre a augmenté d’un tiers, et le revenu a doublé. Ces sociétés ont souvent un local et une bibliothèque de littérature rurale tenue au courant. A l’exemple de l’état, elles se sont formé par l’épargne un trésor, un capital placé de 600,000 francs. Elles organisent des expositions, — 102 en 1865, — et des concours, distribuent des prix pour des mémoires dont elles indiquent le sujet, et enfin discutent elles-mêmes les questions à l’ordre du jour. Celles qu’on a étudiées l’an dernier sont des plus intéressantes. Il s’agissait d’examiner la théorie de Liebig sur l’épuisement progressif du sol, de déterminer le rapport à établir entre le chiffre du bétail et l’étendue de l’exploitation, enfin de décider quelle était l’espèce la plus avantageuse, le mouton ou la vache. Ces sociétés font un bien incalculable : elles répandent la vie, réveillent l’initiative individuelle et donnent le goût des innovations[1]. Il s’est fondé aussi des associations spéciales de sylviculteurs, d’apiculteurs, de distillateurs, de fabricans de sucre, qui se réunissent de temps à autre pour se communiquer leurs observations ou pour défendre leurs intérêts. L’état n’intervient ni pour les guider, ni pour les soutenir, ni même pour les surveiller. Il prête seulement son concours aux associations dites d’amélioration (Landes-Meliorationen), parce qu’il leur est indispensable. Quand il s’agit d’un grand travail de dessèchement, de reboisement, d’irrigation, les intéressés peuvent demander à l’état qu’il les constitue en une sorte de société où les décisions de la majorité emportent les résistances de la minorité.
- ↑ Ce goût des innovations propre à l’Américain commence aussi à distinguer l’industrie et l’agriculture prussiennes. C’est ainsi que sur le domaine de Neudorf l’Ober-Amtmann Korbe a établi un télégraphe électrique pour transmettre ses ordres à une autre ferme distante d’une lieue et demie. Ce moyen de communication instantanée est utile en cas d’orage et de changement de temps, ou quand il faut demander des ouvriers, un attelage. C’est toujours l’application de la science à la production qu’il faut poursuivre.