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fait pareilles déclarations et promesses que les ecclésiastiques. Ainsi l’assemblée se départit avec cette résolution, ce qui fit enrager les traîtres. »

Mais la nuit porte conseil, et le jour d’après les principaux marchands se réunirent en secret dans l’église où se tenaient d’ordinaire les assemblées de la ville. Là, les raisons données en faveur de la paix furent reproduites avec beaucoup plus d’effet. Le sieur du Quellennec, gouverneur de la ville, « personnage qui n’était, suivant Moreau, ni chaud ni froid, » mais qui dans cette circonstance se montra plein de bon sens, parvint à faire comprendre qu’il était insensé pour une chétive place sans munitions et sans vivres de prétendre tenir contre un corps d’armée, ajoutant qu’il n’y avait pas de motif de continuer la guerre depuis que le principal intérêt des catholiques avait obtenu satisfaction. Les chefs des compagnies de milice, dépositaires des clés de la ville, prirent donc la résolution de les porter au maréchal d’Aumont, et une capitulation fort honorable, qui garantissait à la ville de Quimper le maintien de tous ses droits, privilèges et libertés, en interdisant toute poursuite contre les citoyens compromis, fut signée dans le camp de cet homme de guerre, disciple brillant de l’école facile de son roi[1].

On peut suivre également dans l’écrit de Moreau les phases dramatiques de la lutte engagée devant Morlaix en septembre 1594 par le maréchal d’Aumont contre le duc de Mercœur, lutte dont l’issue fit perdre à celui-ci la supériorité qu’il avait conservée depuis le commencement de la guerre civile. Cette importante cité, enrichie par le commerce des toiles et le cabotage de la Manche, avait quelque chose des visées ambitieuses de Saint-Malo. Un corps de ville, formé d’un maire électif siégeant aux états l’épée au côté, de douze échevins et de deux jurats, possédait les prérogatives les plus étendues. Indépendamment de la direction de la milice urbaine, qui lui appartenait sans contrôle, il s’était fait concéder par François Ier le droit d’édifier à ses frais sur un rocher, à l’embouchure de la rivière, une forteresse formidable, avec le pouvoir d’en nommer, choisir et appointer à volonté le commandant et la garnison. L’usage prévalut jusqu’au règne de Louis XIV de conférer chaque année le commandement du château du Taureau au maire qui cessait ses fonctions. Cet officier était donc l’homme de la bourgeoisie, il ne prêtait serment qu’à elle, et se trouvait ainsi chargé de surveiller dans l’intérêt de la ville jusqu’au gouverneur de Morlaix, nommé par le roi.

Lorsque commença la guerre de la ligue, la population morlaisienne s’y engagea avec ardeur, dépensant de grandes sommes pour

  1. Voyez dans Moreau cette capitulation en 18 articles, signée le 14 octobre 1594.