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alors au sénéchal et à ceux de son intelligence de se sauver hors de la ville, croyant que ce fût leur dernière peur[1]. »

Une fois engagés dans la guerre civile, les Quimpérois s’y comportèrent en militaires consommés. Moreau les montre réparant leurs vieilles murailles, sur lesquelles ils montent la garde jour et nuit durant cinq ans, et formant avec une population de huit à neuf mille âmes au plus une force armée bien aguerrie d’environ treize cents hommes. Nous les suivons dans les pages animées da chanoine chroniqueur à l’attaque du Pont-l’Abbé, à la reprise de la forte place de Concarneau, un moment enlevée à la ligue par un parti de royaux ; nous assistons enfin à toutes les péripéties du siège en règle que le maréchal d’Aumont, déjà maître de Morlaix, est contraint de venir mettre devant leur ville avec l’assistance d’un gros parti d’Anglais. Irrité par la résistance fort inattendue que lui opposent les bourgeois, le maréchal dit au brave capitaine de Lezonnet, rallié au roi aussitôt après l’abjuration de Saint-Denis : « Vous m’aviez dit qu’il n’y avait dans cette ville que des habitans ; mé Dieu ! — c’est ainsi qu’il jurait, — vous êtes un affronteur, et si me fâchez je vous ferai un mauvais parti. » Lezonnet répond : « Monseigneur, sur ma vie et mon honneur il n’y a autre chose que ce que je vous ai dit. — Mé Dieu ! dit le maréchal, quels habitans ! Ce sont gens de guerre, et en vérité tous arquebusiers. » Bien est vrai qu’ils avaient de la résolution plus qu’on ne pouvait attendre de gens non aguerris devant une mauvaise bicoque. Pas un ne se voyait étonné ni parlait de se rendre, fors ceux de la trahison ou leurs adhérens. Ceux-ci disaient que c’était folie d’entreprendre de tenir une si pauvre place où il n’y avait garnison, que le maréchal était bénin, qu’il nous octroierait une capitulation honorable, et que chacun demeurerait en ses privilèges et libertés[2]. » Moreau nous introduit successivement dans deux assemblées où tout le peuple est convoqué pour prendre une résolution suprême. La première a lieu « en l’église de Saint-Corentin, devant le crucifix, où étaient tous les ordres de la ville. Chacun dit son opinion, et premièrement messieurs de l’église par la bouche de messire Guillaume de Buys, grand-vicaire de l’évêque, qui déclara que les ecclésiastiques étaient d’avis que l’on eût tenu bon, s’offrant tous à la défense de la ville jusqu’au retour du sieur de TaIhouët, qui était allé vers le seigneur duc de Mercœur. Ceux de la justice tenaient pour la plupart l’opinion contraire, comme gens qui ne se souciaient pas tant de la religion que de leurs profits particuliers et de la conservation de leurs ambitions. La jeunesse en corps, réduite à très petit nombre,

  1. Histoire des guerres de la ligue en Bretagne, et particulièrement dans le diocèse de Cornouaille, par le chanoine Moreau, conseiller-clerc au présidial de Quimper, p. 52.
  2. Moreau, chap. XXX, p. 213.