Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/710

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutes les communautés urbaines participèrent dans la mesure de leur importance à la vie politique qui fut le caractère dominant de cette époque. « Il faudrait, dit un écrivain breton, reproduire dans tous ses détails l’organisation intime des municipalités pour donner une idée exacte de la prodigieuse activité que les guerres de la ligue imprimèrent à nos communautés de ville. Délivrés de la tutelle du pouvoir judiciaire, les bourgeois se livrèrent tout entiers à la vie politique. Les registres municipaux de Saint-Malo, de Morlaix, de Saint-Brieuc, de Quimper, nous offrent des peintures pleines de vie de cette époque des guerres civiles[1]. »

En passant de Saint-Malo à l’extrémité de la péninsule armoricaine, nous recontrons d’abord la capitale de la Cornouaille, Quimper, auquel l’usage a rattaché le nom de son premier pasteur, saint Corentin. Construite aux abords ou sur les ruines d’un grand établissement romain, cette vieille cité, longtemps soumise à l’autorité seigneuriale de ses évêques, lui avait peu à peu échappé, l’établissement d’un siège présidial dans ses murs ayant enlevé la plupart de ses attributions à la juridiction épiscopale des regaires. A la fin du XVIe siècle, la communauté était représentée par un procureur-syndic qu’élisait tous les deux ans l’assemblée des notables également chargée de choisir le député de la ville aux états. Ce conseil nommait les chefs de la milice, qui partageait la garde de la cité avec une très faible garnison placée sous les ordres d’un gouverneur nommé par le roi.

A l’avènement de Henri IV, le poste de sénéchal de Quimper était occupé par le sieur du Laurent. Ce magistrat tenta les derniers efforts pour faire proclamer le nouveau roi de concert avec quelques-uns de ses collègues du présidial, qui comme lui étaient hommes du temps. On doit aux pittoresques mémoires rédigés par un conseiller-clerc à ce siège de curieux détails sur ces délibérations troublées par les agitations de la rue. « Les catholiques remontrèrent le danger que la religion ne fût altérée en France comme en Angleterre, le roi de Navarre ne faisant profession que de calvinisme et tous les pays de son obéissance étant par son moyen calvinistes ; mais le sénéchal enjoignait de se soumettre en disant des paroles d’aigreur hautes et fières, répondant que, quand le roi serait un diable incarné qui aurait les cornes aussi longues que les bras, il serait toujours son serviteur, parole qui ne tomba pas à terre. Enfin l’opinion catholique l’emporta, à quoi ne furent pas inutiles, confesse l’écrivain ligueur, les cordeliers armés de carabines qui se mirent aux portes flanquant la salle d’audience. Ce fut

  1. A. de Courson, Études sur la Bretagne armoricaine, p. 367.