Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/654

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sensible survenu au matin de l’avant-dernière journée. Mabel a-t-elle eu conscience de cette trompeuse amélioration ? a-t-elle su qu’on reprenait quelque espoir ?

— Mais sans doute… À quoi vont ces curiosités bizarres ? Je ne peux me les expliquer.

— Non certes, et il ne m’est point permis de vous les faire comprendre ;… mais enfin veuillez me répondre, si vous le pouvez.

— Eh bien ! reprit Henrietta, dont les larmes troublaient la voix, même alors, même pendant cette crise qui s’annonçait comme salutaire, elle n’a voulu garder aucune espérance. — On ne me disputera pas mon repos ! — me disait-elle avec un amer sourire. Elle avait raison. À partir de cet instant, le mal a fait des progrès incessant et semblait frapper à coups redoublés.

— A-t-elle pris quelque médecine dont l’action…

— Je comprends ; vous craignez quelque erreur, quelque méprise… Rassurez-vous, il n’y avait plus dans sa chambre, au moment dont nous parlons, qu’un flacon de gouttes stimulantes que le docteur Whittaker lui avait déjà administrées de sa main les jours précédens, et que je donnais moi-même à la malade dans l’intervalle des visites.

— Les a-t-elle invariablement reçues de vous ou de lui ?.. Ne lui est-il jamais arrivé de les prendre elle-même ? Était-elle trop faible pour se soulever, pour étendre le bras ?..

Les questions étaient si pressantes qu’Henrietta se sentit rougir. — Je vous répète, dit-elle, que toute erreur était impossible… Cependant, pour satisfaire de point en point à vos demandes, elles me rappellent qu’une fois, une seule, Mabel a pris elle-même de ces gouttes.

— Où donc ? quand ? comment cela s’est-il fait ?

Wilmot s’était levé. Il parlait debout, penché vers la veuve, et sa voix était presque menaçante.

— Le flacon, répondit-elle, se trouvait sur un guéridon, près du lit. Il n’y restait qu’une dose. Elle m’avait priée de lever la persienne, et j’étais occupée à cela, quand elle étendit la main vers le flacon, dont elle se saisit. Juste au moment où je me retournais, je lui vis boire les dernières gouttes ; une seconde après, elle laissa échapper le flacon qui se brisa dans sa chute.

— Elle s’était donc évanouie ?

— Pas le moins du monde. Même elle avait gardé toute sa présence d’esprit, car elle m’avertit de ne pas m’approcher du lit avant qu’on n’eût balayé les fragmens de verre qui jonchaient le parquet.

— Ce qui fut fait sans doute ?