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pas le plus respectable des trois. En l’état actuel, la solution du tribunal de la Seine nous paraît sage ; mais, s’il est bon de protéger, administrativement les minorités d’ouvriers et les consommateurs contre des entraînemens irréfléchis, ce n’est qu’à la condition de porter à la connaissance du public tous les faits qui sont de nature à redresser les idées fausses. La vérité économique, de saines notions de la liberté, de ce qui est juste et possible, voilà ce qui vaut mieux que toutes les lois pour nous protéger et que toutes les combinaisons artificielles pour améliorer le sort des ouvriers eux-mêmes.


IV

Si « tout est dans tout, » on ne trouvera pas que ce soit un hors-d’œuvre de rattacher à la question du libéralisme industriel celle du libéralisme politique, et il semblera naturel qu’en, voyant dans les habitudes d’esprit des ouvriers français tant de préjugés et de tendances illibérales sous le rapport économique, on en vienne à éprouver quelque appréhension des effets de la puissance du nombre sur les destinées politiques de notre pays. Des combinaisons plus ou moins ingénieuses, l’ingérence plus ou moins déguisée, plus ou moins permise du gouvernement dans les élections, ont pu jusqu’à un certain point diriger et contenir le jeu du suffrage populaire. Il n’en est pas moins certain que dans un avenir prochain nous subirons dans sa plénitude le pouvoir du vote universel. Quel souffle agitera alors cette multitude des champs et des villes à qui restera le dernier mot et qu’il faut reconnaître pour la vraie classe gouvernante ? Se montrera-t-elle plus libérale et plus conservatrice que ses aînées ? Le pouvoir est tombé des mains de celles-ci, et l’on ne saurait dire qu’elles n’aient en rien mérité leur sort. La noblesse française depuis un siècle a émigré, s’est abstenue, a définitivement cessé d’être. Les classes moyennes se sont rendues à la première attaque et semblent résignées à leur abdication, tant elles montrent peu d’ardeur pour les affaires publiques. Où donc aller chercher, cette force vive, cet efficace désir de progrès, cet « examen attentif du nouveau » que M. Stuart Mill recommandait à la chambre des communes comme le plus indispensable des devoirs de l’homme d’état ? En même temps à qui demander la force de résistance, la faculté conservatrice, aussi essentielle à la vie des peuples qu’à celle de tout être créé, cette aptitude au gouvernement sans laquelle, les nations dégénèrent et disparaissent ? Sera-ce au peuple de nos campagnes, laborieux, prudent, économe, mais ignorant, violent et