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cultivateurs, leur donna du travail et un bout de pré pour leur vache. Les servitudes se trouvèrent ainsi abolies. Les bois, divisés par des avenues parallèles en carrés réguliers de 50 hectares, furent replantés ou ressemés dans les parties vides et traités systématiquement par un chef de sylviculture (Forstmeisier), mais à quoi bon des forêts, même admirablement aménagées, dans une contrée où la population manque pour en faire usage ? Les produits des coupes annuelles de ces 8,000 hectares couverts de résineux et de bouleaux ne trouvaient pas d’emploi ; il fallait en imaginer un. M. Sydow établit une verrerie dont les fourneaux, chauffés avec ce bois, convertirent le sable, qui ne manquait pas, en bouteilles expédiées et vendues à Berlin. Cette industrie rapporte aujourd’hui par an 32,500 thalers, somme très supérieure au revenu primitif du domaine tout entier.

Pour transporter à moindres frais ses matières premières, il creusa un canal de 22 kilomètres de long, passant en tunnel sous une colline, ce qui lui permit d’établir des prairies arrosées, de construire quatre moulins et de se mettre en communication avec la rivière la Drage, et par suite avec les marchés consommateurs. C’est un grand travail qui a exigé une forte avance, mais qui en paie largement l’intérêt. Sur ses terres arables, il remplaça l’antique assolement triennal misérablement conduit par une excellente rotation alterne dont le type suivant donnera l’idée : première année, pommes de terre fumées ; deuxième, seigle d’été ; troisième, pommes de terre ; quatrième, lupins avec trèfle blanc et graminées ; cinquième, pâturage pour les moutons ; sixième, seigle d’hiver. Il arriva ainsi à entretenir. 160 chevaux, 660 bêtes à cornes et 11,000 moutons, ce qui revient à une tête de bétail par 2 hectares, proportion déjà satisfaisante pour un sol si médiocre. Le lait des 330 vaches est converti en fromages envoyés au marché des grandes villes. Huit distilleries utilisent le seigle et les pommes de terre, qu’on ne pourrait faire arriver aux lieux de consommation que grevés de frais exorbitans ; la pulpe sert à engraisser le bétail. Ces distilleries livrent 4,150 hectolitres d’esprit payant 15,700 thalers d’impôt. Voilà donc 59,000 fr. de revenu annuel procuré à l’état par l’industrie d’un seul homme. L’impôt foncier pour les bâtimens et les terres monte à 1,980 thalers, ce qui fait environ 60 centimes par hectare. Tous les bâtimens d’exploitation ont été successivement reconstruits en briques conformément aux exigences d’une exploitation moderne. L’habitation centrale de Steinbusch, où est concentrée toute l’administration de cette petite province, s’élève au milieu d’un parc disposé en jardin anglais. Les 250 hectares de prairies arrosées donnent une énorme quantité de foin. Aucun produit n’est négligé, pas même celui de la pêche dans les étangs, qu’on repeuple par la pisciculture, ou