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environ, donc à peu près à la moitié. En France, l’impôt se perçoit sur la quantité effective de sucre produit ; il n’en échappe pas un atome à l’impôt. Ce système est juste, mais il est vexatoire dans la pratique. Il comporte un grand nombre de règlemens compliqués et nécessite des mesures de surveillance rigoureuse, non-seulement dans la fabrique même, mais aussi dans tout le rayon d’alentour, sur les voies de communication et dans les magasins. En Prusse, on paie le droit sur le poids brut des betteraves. Les racines sont pesées au sortir de l’appareil à laver, et le fisc les impose comme si elles devaient rendre environ 8 1/2 pour 100 de sucre, c’est-à-dire à raison de 15 silbergros (1 franc 87 centimes) par 100 kilogrammes. Tout ce qui dépasse le produit moyen échappe donc à l’impôt. Ce système a l’inconvénient de rendre la fabrication impossible dans toutes les régions à sol médiocre, où la betterave ne peut acquérir une richesse saccharine supérieure à 8 1/2 pour 100 de rendement : de là vient que l’industrie sucrière se concentre dans certains districts, comme dans la Saxe prussienne, où se trouvent réunies plus de la moitié des fabriques que compte le Zollverein ; mais il a l’avantage de favoriser, d’appeler même tous les progrès que les régimes français, belge ou hollandais ont pour effet d’entraver. En Prusse, la loi ne s’occupe pas du mode de fabrication ni du rendement obtenu. Pourvu que les employés puissent peser exactement les betteraves, opération bien simple, le fabricant est en règle. Il est affranchi de toute réglementation, de toute surveillance, de toute crainte de contravention et d’amendes. Il n’a qu’un seul intérêt, et celui-là très pressant, retirer des racines sur lesquelles il a payé l’impôt le plus de sucre au meilleur marché possible. Il se trouve sous le régime commun à toutes les industries libres, stimulé d’abord par la concurrence, en second lieu par le désir de bénéficier sur les droits qu’il a dû acquitter. Comme il est facile de le prévoir, il est résulté de ce système fiscal que les procédés de fabrication se sont perfectionnés plus rapidement en Allemagne que dans les autres pays[1], et la quantité de sucre produite augmente chaque année dans des proportions inconnues ailleurs, au grand bénéfice de l’agriculture.

  1. Dans l’ancien système de fabrication, on râpe la betterave, on comprime la pulpe dans des sacs de laine au moyen de presses hydrauliques, et l’on fait passer le jus obtenu par une série d’opérations qui ont pour but de le débarrasser des matières impures par l’addition de chaux et par le filtrage sur du noir animal. Il est ensuite concentré par l’évaporation et cuit jusqu’à consistance d’une pâte sirupeuse ; enfin le sucre est séparé de la mélasse à l’aide de turbines. La cuite dans le vide, l’évaporation dans les appareils dits à triple effet, la carbonatation trouble, sont des perfectionnemens récens qui ont notablement élevé le rendement de la fabrication ; mais le moyen d’obtenir le jus ne s’était pas modifié, et présentait de graves inconvéniens. L’emploi des sacs et des presses était coûteux. La râpe, en détruisant les cellules où le jus est contenu, y mêlait des substances très sujettes à fermentation, qui colorent les sirops et entravent la formation de la matière saccharine dans les appareils de cuisson. Extraire le sucre des cellules sans détruire celles-ci, tel était le problème à résoudre, et pour y parvenir il fallait transformer en procédé industriel le phénomène physique appelé endosmose, qui permet aux sucs végétaux de sortir de la cellule sans la rompre. Un fabricant de la Moravie, d’origine française, M. Robert, de Seclowitz, y est parvenu par la macération des racines simplement découpées en tranches dans de l’eau chauffée à 60 degrés et maintenue sous une pression d’une atmosphère. C’est ce qu’on appelle le système de diffusion.