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c’était tout simplement une grande pensée de réforme intérieure née tout à la fois de la décadence des vieilles institutions, du travail des esprits agités de besoins nouveaux, du mouvement des intérêts cherchant des garanties nouvelles. De là le double aspect sous lequel apparaît la révolution française. D’un côté c’est une succession de scènes dramatiques et sanglantes ; de l’autre c’est une œuvre toute pratique mise à nu dans les états-généraux de 1789, préparés eux-mêmes par une des plus vastes enquêtes qui aient jamais été faites dans un pays. Les quarante mille communautés de France se réunissant en assemblées primaires pour exprimer leurs plaintes et leurs doléances, six millions de Français appelés à manifester leurs opinions et leurs vœux, les trois ordres convoqués solennellement pour recueillir tous ces vœux et ces plaintes émanant à la fois de toutes les provinces, c’est là le prologue de la révolution. Déjà bien des publications partielles se sont appliquées à ramener l’attention sur ces origines. M. de Lajonquière à son tour publie aujourd’hui les cahiers de la sénéchaussée de Castres, en Languedoc, en les faisant précéder d’une étude bien pensée et simplement écrite. Ce qui double l’intérêt de la publication de M. de Lajonquière, c’est qu’aux cahiers des trois ordres il ajoute ceux des assemblées primaires elles-mêmes. Petit-fils du secrétaire d’un des ordres de la sénéchaussée de Castres en 1789, il met un zèle pieux à exhumer ces vieux titres de sa contrée natale.

Rien n’est plus curieux et plus instructif que ces publications qui remettent en présence de la situation réelle du pays à la veille de ce mouvement de 1789 que tout préparait, vers lequel on marchait sans savoir au juste où l’on allait. Ces cahiers en effet ont une double valeur ; par tous les détails qu’ils donnent, ils sont le tableau économique de la France, et en même temps ils témoignent du courant des idées, du mouvement ascendant des esprits. La révolution française est là tout entière dans ce qu’elle a de légitime et d’essentiel. Là, dans ces archives, est l’âme d’une génération promise à des luttes qu’elle n’entrevoyait même pas. Les luttes sont passées, les scènes sanglantes ne sont plus que de l’histoire ; ce que demandaient les cahiers de 1789 s’est accompli, a survécu et reste la plus pure essence de la révolution française. On ne peut approcher qu’avec respect de ces poudreuses archives que Chateaubriand appelait « un monument de la raison publique, » et où reposent les vrais titres de la société moderne. M. de Lajonquière ajoute une page à cette histoire des origines de la révolution qui se fait ou se refait tous les jours et qui ne sera complète que lorsque tous les cahiers de 1789 seront réunis et publiés, formant l’impérissable livre de la France nouvelle.


CH. DE MAZADE.


L. BULOZ.