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on tenta de lui susciter pour rivale la Banque de Savoie, et quand l’enquête fut engagée ! C’est aujourd’hui à la Banque qu’on demande et qu’on trouve le salut, tant il est vrai que la vérité reprend toujours ses droits sur l’erreur. Nous-mêmes, il y a douze années, quand le Crédit mobilier était encore un essai nouveau, nous prîmes la liberté de signaler et de combattre longuement dans la Revue la conception erronée de cette institution de crédit : l’expérience nous a donné raison, les lois économiques ont été plus fortes que le talent des hommes et leurs immenses ressources, et leur situation privilégiée, et la faveur constante du gouvernement. C’est le gouvernement surtout qu’il faut exhorter à faire son profit de l’histoire de la Compagnie immobilière. L’échec de cette entreprise est la preuve saisissante qu’on surmène la France avec les travaux de Paris et des grandes villes. Les mêmes avortemens, de plus graves peut-être, seront la conséquence et la punition de ce système anti-économique et artificiel. Après avoir usé une compagnie, on aura beau avoir recours à d’autres expédiens, comme celui qu’on a exploité l’an dernier avec une témérité incroyable en prenant au Crédit foncier des millions par centaines sous la forme d’obligations communales ; on ne donne pas à une branche de l’industrie et du travail un développement aussi exagéré et aussi arbitraire sans préparer de formidables perturbations économiques.

Il n’est point d’une bonne politique financière d’engager aux satisfactions actuelles, par caprice personnel, les produits imaginaires de l’avenir escomptés d’avance, d’entretenir le luxe égoïste et imprévoyant du présent aux frais des générations qui nous suivront, et à qui nous en imposons la charge permanente. Voilà une vérité qui est bien établie aujourd’hui dans tous les esprits politiques anglais. Pour un homme d’état anglais, la gloire n’est point de charger par des œuvres d’apparat l’avenir financier de son pays. Son devoir et son honneur sont de saisir toutes les occasions de diminuer la taxation ou d’entendre l’action plus facile au pays. Il n’y a pas de rêveurs en Angleterre tels que M. de Persigny (par parenthèse, le créateur politique du Crédit mobilier), qui se grisent de la splendeur d’un colossal emprunt de la paix en perspective. À ce point de vue, M. Disraeli ne trouvera peut-être point l’année prochaine la faculté d’alléger l’impôt, cette prouesse recherchée des chanceliers, de l’échiquier britannique. Le contre-temps de l’expédition d’Abyssinie pour la délivrance des captifs du roi Théodoros lui imposera des dépenses extraordinaires qui lui interdiront d’ouvrir la chance aux diminutions de recettes. C’est une question dont on se préoccupe déjà en Angleterre que de savoir quel sera le thème principal de la prochaine session, et la contenance que prendront les partis. On a voulu voir ces jours passés, un symptôme de la conduite future des partis dans deux lettres écrites par lord Russell et M. Gladstone au