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apparaissait, il n’était que le produit d’une coalition incohérente et d’une ambition impatiente. La première cause de faiblesse était son chef.

Cette insurrection en effet, comme celle du mois de janvier 1866, comme celle du 22 juin, n’était que le résultat d’un effort nouveau et violent du général Prim pour se substituer dans la direction, dans le commandement du parti progressiste, à Espartero, qui, tout vieux qu’il soit et tout inactif qu’il ait toujours été, avait du moins l’ascendant d’une position exceptionnelle et d’un caractère qui n’a jamais pu se plier à certaines inconsistances. Malheureusement ou heureusement le général Prim n’a de ce rôle de chef de parti que la turbulence et l’ambition. Vaincu à deux reprises l’an dernier, il ne s’est pas découragé ; il s’est remis à l’œuvre, il a transporté son camp à Bruxelles. Son rêve a toujours été une insurrection militaire ; mais il est bien clair que ce n’est pas sur l’état-major de l’armée espagnole qu’il peut compter : là il ne rencontrerait que des adversaires prêts à le combattre ou à lui disputer un succès ; les seuls généraux qui se soient montrés disposés à le suivre jusqu’ici sont des hommes dévoyés par quelque déception et qui n’ont jamais eu d’ailleurs une bien grande notoriété. Quant au degré d’appui qu’il pouvait trouver parmi les sous-officiers avec lesquels il s’est efforcé de nouer des intelligences, on vient de voir ce qu’il en faut croire. Quelle confiance, d’un autre côté, le général Prim pouvait-il inspirer aux partis ? Sa carrière offre le spectacle singulier d’un homme qui a été, il est vrai, progressiste autrefois et qui revient aujourd’hui demander aux progressistes la satisfaction de sa dernière ambition, mais qui se rattache aux modérés par toutes les faveurs qu’il en a reçues, qui l’ont fait ce qu’il est. C’est la révolution de 1843 contre Espartero qui le faisait colonel, c’est le rude traitement infligé par lui à sa ville natale insurgée qui le faisait brigadier et comte de Réuss. Au lendemain d’un attentat dirigé, il y a vingt ans, contre Narvaez et où il était impliqué, à la suite duquel il était même condamné, c’est Narvaez qui le relevait pour l’envoyer comme capitaine-général à Puerto-Rico. Au moment de la révolution de 1854, il avait accepté du ministère Sartorius une mission en Orient. C’est O’Donnell qui lui faisait une place dans la guerre du Maroc, et lui fournissait l’occasion de devenir marquis et grand d’Espagne. Je ne parle pas de cette triste expédition du Mexique, au début de laquelle les journalistes de son quartier-général le présentaient comme un Achille, comme un dieu Mars, comme un fondateur de dynastie. Personnage étrange qui travaille pour la liberté en ne voulant paraître qu’avec des états-majors, qui se dit démocrate en énumérant ses titres ! Voilà le Washington ou le Lafayette de l’Espagne dans les momens difficiles où elle se trouve.

Une autre cause de l’insuccès de la dernière insurrection, c’est