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le degré de crédit que l’Espagne peut obtenir au dehors ; il caractérisait d’un mot la politique du gouvernement en l’appelant un triomphe complet, décisif, sur les oppositions légales, totalement découragées et désarmées aujourd’hui, tandis que les oppositions révolutionnaires ne l’étaient nullement. Et, s’élevant plus haut, il montrait que la plupart des pays de l’Europe, même les plus éprouvés, s’ils n’avaient pas toutes les libertés, en avaient au moins quelques-unes, — que la France, à défaut de la liberté politique et parlementaire, avait la liberté civile et économique, que la Prusse avait la liberté philosophique, intellectuelle, que le Portugal, l’Italie, la Hollande, la Belgique, avaient beaucoup de ces libertés, que les peuples anglo-saxons les avaient toutes, — « de façon, ajoutait-il, que chez toutes les nations de l’Europe, pour les manifestations de leur vie, on a cherché un champ où pût se déployer l’activité qui leur est propre, car le pays à qui on enlève la liberté dans tous les sens est un pays mort, un pays qui a cessé d’appartenir à la grande famille de l’Europe occidentale… Eh bien ! en Espagne, la liberté religieuse, la liberté intellectuelle, la liberté de l’enseignement, nous ne les avons jamais eues. Quant à la liberté administrative, après avoir copié fidèlement la législation française, — je ne dirai pas si nous avons bien, ou mal fait, — il est certain que les communes et les provinces en manquent complètement. De la liberté commerciale il suffit de dire que, lorsque les étrangers parlent du système prohibitif, ils ont coutume de l’appeler le système espagnol : celle-là non plus, nous ne l’avons jamais eue. Il nous restait une certaine dose de liberté civile ; il nous restait un régime électoral qui, bien que défectueux, assurait le degré de liberté parlementaire qui existait. Qu’a-t-on fait de la liberté civile ? Les discours qui ont été prononcés ici le disent suffisamment. La liberté parlementaire va disparaissant, ou est sur le point de disparaître. Que reste-t-il donc ? .. »

C’est là en effet le dernier mot de la situation, c’est là la question. Les libertés de toute sorte pratiquement entendues ne sont que les manifestations de l’activité d’un pays, et quand toutes les issues sont successivement fermées à cette activité, que restent-il ? La conséquence est fatale : le malaise, l’agitation sourde, l’inquiétude facile à enflammer la conspiration, la révolution. C’est ce qui s’est produit en Espagne. Il est arrivé que les passions révolutionnaires se sont ravivées, ont retrouvé leur activité et leurs espérances dans la mesure où la politique de compression s’accentuait. Il y a un an, le général Prim avait singulièrement perdu de son crédit ; le système du gouvernement n’en a pas fait un grand homme, mais il lui a rendu des complices. Au lendemain de la bataille de juin, les partis ennemis étaient complètement abattus et