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constitutifs de la nation et le correct développement de la loi fondamentale que nous nous proposons de conserver… L’heure est venue pour les Espagnols d’être gouvernés selon l’esprit de leur histoire et la nature des sentimens qui constituent leur caractère essentiel, etc.. » Que veut dire tout cela sans phrases, en rude et franc langage, si ce n’est que cette infortunée constitution de 1845 est fort malade théoriquement, puisque ses médecins attitrés la jugent ainsi ?

Ce qui est certain, c’est qu’elle est plus malade encore peut-être dans la pratique, et qu’elle est considérée à peu près comme si elle n’existait pas, même quand le gouvernement se croit tenu encore de faire des élections, d’ouvrir des chambres, ne fût-ce que pour leur demander la sanction sommaire de tout ce qu’il a fait. Qu’on remarque d’abord dans quelles circonstances se faisaient ces élections dernières ; elles avaient lieu au mois de mars, et l’état de siège était à peine levé la veille du jour où le scrutin devait s’ouvrir. Le gouvernement avait eu le soin d’ailleurs, avant de lever l’état de siège, de s’armer de ses lois sur l’ordre public, sur la presse, c’est-à-dire que rien n’était changé. Depuis six mois, les hommes principaux des divers partis qui auraient pu entrer en lutte étaient en fuite, où déportés ou internés, et ceux qui restaient n’auraient osé se jeter dans ce combat inégal, témoin ce candidat dont je racontais la mésaventure. D’un scrutin ainsi ouvert sous le coup d’un état de siège levé de la veille, sous le poids d’une dictature qui restait armée et qui était décidée à tout, au milieu de la dispersion des partis, que pouvait-il sortir ? Un congrès unanime, cela est clair, — sauf deux ou trois députés de l’opposition qui ont percé à travers tout, je ne sais comment, sans avoir à coup sûr beaucoup fait pour cela. Les congrès unanimes, en Espagne et même ailleurs sont le signe essentiel des situations violentée, et ils n’ont jamais rien sauvé, au contraire. Le sénat, où depuis longtemps sont entrés des hommes de tous les partis, le sénat ne pouvait être aussi unanime, et dans cette assemblée assez mêlée il y a eu les discussions les plus sérieuses, les plus vives, où la politique actuelle a essuyé le feu d’une opposition indépendante. Qu’on ne s’y trompe pas pourtant, ces discussions, si animées qu’elles fussent, avaient je ne sais quoi de stérile et d’inefficace ; l’opposition combattait en quelque sorte pour l’honneur des armes bien plus que dans l’espoir d’une victoire impossible ; l’issue du combat était fixée d’avance, non-seulement parce que le gouvernement s’était assuré le vote par des promotions de sénateurs ; mais encore parce que dans ces débats il laissait entrevoir comme la pointe de l’épée de la dictature. En un mot, ces scènes parlementaires se