Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/502

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et président du sénat, se voyait traité comme un caporal ! C’est ce qu’un des ministres appelait, par un ingénieux euphémisme, pratiquer l’égalité. Sous le règne constitutionnel d’Isabelle II, un président du congrès connu pour son intégrité et sa loyauté monarchique se trouvait, ne fût-ce qu’un instant, confondu avec des galériens, ni plus ni moins que l’illustre Martinez de la Rosa au temps de Ferdinand VII ! Cela fait, le 30 décembre, le gouvernement se décidait à publier un décret qui, en prononçant la dissolution du parlement, fixait les élections au mois de mars et la convocation des chambres nouvelles au mois d’avril. Décidément le ministère du 10 juillet entendait et pratiquait la constitution aussi bien que l’égalité. Et c’est ainsi sans doute qu’il prétendait enseigner aux fauteurs d’insurrections comment on doit respecter l’autorité et traiter les pouvoirs établis dès qu’ils vous gênent ! C’est ainsi probablement qu’il pensait travailler à raviver en Espagne le sentiment de la loi, perverti par la révolution !

Je ne saurais suivre dans ses mille détails une politique qui ne peut évidemment avoir tous les matins des présidens du sénat et du congrès ou même de simples députés à interner ou à déporter. Je voudrais seulement la ramener à quelques points sommaires et caractéristiques qui la résument tout entière, qui la laissent voir dans son vrai jour, qui montrent surtout ce que c’est que sauver l’ordre et la société en Espagne. J’écarte les finances, qui, bien que liées intimement à cette œuvre, n’ont qu’un rôle épisodique, puisque le gouvernement s’est borné à se servir des autorisations qu’il avait reçues pour remanier quelques services, à entrer récemment en composition avec ses créanciers étrangers pour relever son crédit, ou à tirer de quelques négociations l’argent nécessaire pour vivre. Quant à un équilibre financier quelconque, il est aussi problématique que jamais parce qu’il tient à toute une situation générale, et c’est ce que montrait supérieurement un des hommes les plus éclairés de l’Espagne, M. Llorente, dans un récent discours au sénat. Au point de vue politique donc, puisque c’est là que tout revient, qu’a fait le gouvernement ? Quelles mesures souveraines a-t-il adoptées pour raffermir, comme il le dit, la société ébranlée ? Et d’abord une des premières préoccupations dû général Narvaez, chef de cabinet et ministre de la guerre, c’était naturellement l’armée, cette armée dont il lui est échappé un jour de dire qu’elle était le seul soutien du trône de la reine Isabelle.

Il s’inquiétait, je crois, d’une situation qui donnait aux sous-officiers une influence trop exclusive sur les soldats en les livrant eux-mêmes à l’influence de tous ceux qui les flattaient pour les gagner, et il cherchait à y remédier par des mesures de détail ; mais