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d’Isabelle II dans cette alternative de vaincre, vaincre toujours par les armes, ou de périr dans une insurrection heureuse.


II

Qu’est-ce en effet que ce ministère qui dure depuis plus d’un an déjà, et qu’a-t-il fait ? Je voudrais le montrer sans nulle prévention contre des hommes que j’ai quelquefois défendus, tant qu’ils étaient les serviteurs d’un régime de liberté régulière, et dont quelques-uns ont au moins l’énergie et le talent. Je voudrais le peindre dans ceux qui le personnifient, et dans ses œuvres, dans la situation qu’il crée à l’Espagne. C’est en définitive une tentative immense, préméditée, coordonnée, de réaction, embrassant tout, combinant tout de façon à ne laisser place à aucune contradiction, — et ce n’est même plus peut-être le général Narvaez qui représente le mieux cette politique dont il redevenait le porte-drapeau au mois de juillet 1866.

Le général Narvaez n’est point assurément un homme nouveau. Il a eu depuis vingt ans, comme chef du parti modéré, des momens brillans, des interventions heureuses qui ont fait sa renommée et son autorité. Malheureusement chez lui les passions dominent trop souvent l’intelligence et l’entraînent dans les aventures. Il y a dans le dernier volume des Mémoires de M. Guizot, qui rappelle des événemens de l’autre monde, l’époque des mariages espagnols, — il y a une page curieuse où Narvaez revit tout entier avec ce mélange éternel de qualités énergiques et d’emportemens passionnés, ne souffrant aucune contradiction et toujours prêt à provoquer des crises. Président du conseil à cette époque, il n’était pas encore content et trouvait partout des obstacles, « Hier, au baise-main pour l’anniversaire de l’infante, écrivait M. Bresson, alors ambassadeur à Madrid, il est venu m’annoncer qu’il était décidé à donner sa démission. — « Je suis découragé, dégoûté, fatigué, me disait-il ; un de ces jours, je me brûlerai la cervelle. Je vois le danger, et ne peux y remédier. Ne pensez pas que je me trompe, j’ai un esprit qui y voit aussi clair que celui de Dieu. » — Si vous avez eu le loisir d’entendre aux Italiens le bel opéra de Nabuchodonosor, c’est la. scène du second acte ; il n’y manque que le feu du ciel, et peut-être ne l’attendrons-nous pas longtemps. « Déjà dès cette époque Narvaez, se croyait appelé à ce rôle de grand sauveur, et c’est M. Bresson, qui le montre encore s’irritant « sous le vain prétexte que le trône est en péril et qu’on lui refuse les moyens de le sauver, » expliquant tout à sa manière et à son avantage, « développant ses plans,… décidé à rendre au pays, après l’avoir organisé et