Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’hésitation ; pouvait tout perdre et livrer les soldats au mouvement ; la promptitude irrésistible de l’action les retint sans doute dans la fidélité.

Au premier bruit d’ailleurs, tous les généraux présens à Madrid, modérés, libéraux, même progressistes, allaient offrir leur épée au gouvernement et se mêlaient aux troupes en les encourageant de leur présence. O’Donnell, aidé de lieutenans dévoués, s’emparant de l’armée fidèle, combinant tout avec autant de résolution que d’énergique sang-froid, O’Donnell put ainsi organiser ses mouvemens, commençant par porter tous ses efforts contre l’insurrection militaire concentrée à San-Gil, — puis, celle-ci une fois vaincue, coupant en deux l’insurrection populaire dispersée au nord et au sud de la ville, et la livrant au général Serrano et au général Concha. En quelques heures, tout était fini. Avant que le soleil fût couché, comme l’avait annoncé dès le matin le général O’Donnell la révolution était domptée ; mais la lutte avait été rude et sanglante, surtout à la caserne de San-Gil, où la défense des insurgés avait été désespérée, et dans ce combat de quelques heures plus de six cents hommes étaient tombés. Une multitude d’officiers étaient morts ou avaient été atteints par le feu. Le général Narvaez lui-même avait reçu une blessure, légère à la vérité. Les autres, Serrano, les deux Concha, Echagüe, Ros de Olano, Hoyos, avaient été plus heureux, quoiqu’ils eussent paru partout au premier rang. Ce n’est qu’après la lutte, lorsque tout était terminé, que pour la première fois de la journée le général O’Donnell parut au palais, où il fut reçu alors, il faut le dire, un peu comme un sauveur à qui on doit tout, — et il est certain qu’on lui devait beaucoup pour cette indomptable fermeté contre laquelle venait de se briser la plus formidable insurrection qui eût encore éclaté à Madrid.

D’autres raisons plus intimes, plus caractéristiques avaient contribué sans doute à la défaite des insurgés du 22 juin. La vérité est que ce mouvement manquait à peu près complètement de direction. Qu’il eût été préparé et organisé de loin par le général Prim, ce n’était pas douteux ; mais le général Prim pouvait être partout ce jour-là, à la frontière de France par exemple : il n’était pas à Madrid, où on combattait sans lui. Le général Prim a besoin de paraître à la tête d’un état-major et d’une armée pour faire une révolution, et voilà pourquoi sans doute il attendait pour arriver à Madrid que tout fût accompli. Le seul chef de marque dans l’insurrection était le général Pierrad, ancien officier modéré, homme de plus de bravoure que de tête, peu fait par une surdité complète pour se mêler à de telles agitations, et qui le 22 juin ne dirigeait rien, ne conduisait rien, mais affrontait intrépidement le feu au point de recevoir