Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résumé, si l’on tient compte des difficultés et des dangers du voyage, il faut reconnaître que ; pour la majorité de ceux qui l’entreprennent, c’est véritablement un acte de courage et de foi.


III. — LA MORTALITE ET LES EPIDEMIES.

Il reste à étudier les circonstances qui développent la mortalité parmi les pèlerins et les causes d’insalubrité que les caravanes rencontrent soit pendant le trajet, soit durant le séjour dans le Hedjaz.

On peut dire qu’aucun pèlerin ne fait le voyage sans apporter un trouble violent dans ses habitudes. Le changement de nourriture est brusque ; les alimens sont presque toujours mauvais, souvent en quantité insuffisante. Si le voyage a lieu pendant la chaleur, les pèlerins dévorés de soif consomment beaucoup de fruits, de melons d’eau, de concombres, dont la qualité et la maturité laissent à désirer. Ils se laissent aussi entraîner à tromper la faim par un usage immodéré du café noir, des liqueurs alcooliques et du hachich. Ordinairement privés d’eau pendant la marche, les voyageurs en trouvent aux stations, mais dans quelles conditions ! Si la source est entourée d’une garde, ils n’obtiennent de s’en approcher qu’en donnant un bakchich aux soldats ; si la source n’est pas gardée, elle devient en quelques momens trouble et sale. Les uns boivent trop, tandis que les autres ne peuvent pas se désaltérer suffisamment. D’ailleurs l’eau n’est pas toujours de bonne qualité.

Le changement de climat doit aussi occasionner beaucoup de maladies. Les pèlerins viennent, nous l’avons vu, de tous les coins du monde. Ils parcourent successivement, quelquefois sans transition, des contrées hautes et basses, sèches et humides, chaudes et froides. Il est impossible de déterminer l’influence de la saison, car chaque année l’époque du pèlerinage varie. Le calendrier des musulmans étant lunaire, il arrive que, dans un intervalle de trente-trois ans, le courban beïram qu’ils vont célébrer à la Mecque a passé par toutes les saisons de l’année[1]. L’extrême froid et l’extrême chaud sont également à redouter pour la santé des pèlerins.

Lorsque le voyage se fait par mer, ce n’est pas dans des conditions hygiéniques plus favorables. M. Tamisier, dans son Voyage en Arabie, compare le bateau sur lequel il était embarqué à « un guêpier de pèlerins ; hommes, femmes et enfans serrés les uns contre les autres comme des harengs dans un tonneau. » Sur le navire qui transporta Burton de Suez à Djeddah, l’encombrement était tel qu’il en résulta des rixes sanglantes. En général, dans la Méditerranée

  1. Voyez le travail de M. de Ségur-Dupeyron dans la Revue du 15 avril 1855.