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la nuit, on allume des lampes à la lueur desquelles les pèlerins font la procession autour de la Kaaba. Aux jours ordinaires, la foule s’écoule vers neuf heures du soir, la mosquée devient silencieuse : ce n’est plus qu’un lieu de méditation et de prière pour les pèlerins pieux, qui y restent en petit nombre ; mais au dernier jour du mois de ramadan la fête dure toute la nuit, des milliers de lampes suspendues aux arcades et les lanternes de chaque pèlerin donnent à la grande mosquée un aspect éblouissant. Un habitant du Darfour arrive à La Mecque la dernière nuit du ramadan après un long voyage à travers des déserts stériles. A peine entrait-il dans le temple illuminé, qu’il était saisi d’une crainte religieuse ; à la vue de la Kaaba couverte de son voile noir, il tomba la face contre terre et y resta longtemps en adoration. Enfin il se releva, répandit d’abondantes larmes, et dans son émotion, au lieu de réciter les prières du rituel, il criait à haute voix : « O Dieu, prends mon âme, car ceci est vraiment ton paradis ! »

Les pèlerins meurent en grand nombre à La Mecque. Lorsqu’ils se sentent gravement atteints, ils se font transporter à la grande mosquée et s’établissent sous la colonnade, pour que la vue de la Kaaba les guérisse ou pour avoir la consolation de mourir en contemplant la maison de Dieu. Un Grec, que le hasard avait amené là, aida Burckhardt à fermer les yeux d’un pauvre Mogrebin qui s’était traîné dans le voisinage de la Kaaba, afin, disait-il, de rendre le dernier soupir dans les bras du prophète et des anges. Il fit entendre par signes qu’il désirait être aspergé de l’eau du puits Zem-zem. Pendant que les deux Européens lui rendaient ce service, il expira tranquillement.

Après la visite à la Kaaba, les cérémonies du pèlerinage touchent à leur fin. Au sortir de l’enceinte, le musulman se rend aux deux collines appelées Safa et Merva, dont il est fait mention au 153e verset du chapitre de la Vache. Suivant la tradition, Agar erra de l’une à l’autre jusqu’à ce que l’ange Gabriel eût fait jaillir la source du Zem-zem pour désaltérer Ismaïl. Le pèlerin, tourné vers la Kaaba, va sept fois en priant de l’une à l’autre éminence. Cette cérémonie s’appelle le saï. La dernière est la visite à l’Omra, un lieu où Mahomet allait souvent faire sa prière dit soir. L’Omra est à une demi-heure de La Mecque. On s’y prosterne quatre fois, on récite des prières, et l’on revient en ville en chantant à haute voix : « Fais de moi ce que tu voudras, ô mon Dieu ! fais de moi ce que tu voudras. » Le pèlerin doit s’acquitter encore une fois du touaf et du saï, se faire raser la tête, après quoi il se dépouille définitivement de l’ihram.

Le pèlerinage est terminé. Il y a encore une foule de petites