Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des coins et récite des prières ; lorsqu’il a fini, il doit appuyer les bras étendus contre la muraille, poser sa figure contre la surface et réciter plusieurs prières. L’intérieur de la maison de Dieu ne présente aucune particularité remarquable.

C’est dans la visite à la Kaaba que les pèlerins montrent le plus d’émotion : lorsqu’ils approchent pour la première fois de la maison de Dieu, ils baignent de leurs larmes le voile qui la couvre et pressent contre les murailles leurs cœurs palpitans. A l’intérieur de la maison Carrée, on n’entend que sanglots et lamentations, et, au milieu de marques non équivoques de contrition et de repentir, des exclamations comme celles-ci : « ô Dieu de la maison, pardonne-moi ! ô Dieu unique, pardonne-moi, pardonne à mes parens, pardonne à mes enfans ! ô Dieu, délivré nos corps du feu de l’enfer. Admets-moi dans ton pardon, ô toi, Dieu de l’antique maison ! »

Pendant tout le temps du pèlerinage, les portes de la grande mosquée sont constamment ouvertes, et à toutes les heures du jour et de la nuit des fidèles y prient ou s’y promènent. Au coucher du soleil, les pèlerins s’y réunissent en plus grand nombre à l’occasion de la prière du soir. Sous les arcades et dans les environs, des oisifs causent ou font leurs affaires ; d’autres lisent le Coran, les enfans courent et jouent ; on dirait un lieu de divertissement public. Autour de la Kaaba cependant, il se forme des groupes de pèlerins pieux. L’iman se tient auprès de la porte et fait des génuflexions qui sont répétées par le peuple. Le coup d’œil que cette foule présente est des plus variés. « Les uns, dit Burton, marchaient d’un pas grave, et les autres couraient avec agitation, tandis que le plus grand nombre stationnait et priait. Ici s’avançait avec fierté la femme du désert couverte d’une longue robe noire assez semblable à celle d’une religieuse, et les deux trous de son voile rouge laissaient apercevoir des yeux flamboyans. Là une vieille Indienne, avec ses traits à demi tartares, ses formes hideuses, ses jambes de squelette, marchait à pas précipités autour du sanctuaire. Des Turcs se promenaient silencieusement en affectant l’air froid et hautain qui les distingue. Plus loin, c’était un Indien affamé de Calcutta, avec son turban disgracieux, ses bras difformes et sa marche incertaine. Enfin, collé contre la muraille du sanctuaire qu’il pressait de tout son corps, un pauvre diable s’accrochait convulsivement à la draperie noire de la Kaaba, et poussait des soupirs si profonds qu’on aurait cru que son cœur allait se briser. »

Il est impossible de ne pas éprouver une secrète impression de respect religieux quand oh se représente l’éloignement et la diversité des pays d’où sont venus les hommes rassemblés, en ce lieu. A