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Syrie. Autrefois le trajet de l’Égypte au Hedjaz se faisait par terre. La caravane passait au nord de la presqu’île du mont Sinaï, touchait à Akabah, au fond du golfe de ce nom, suivait les côtes de la Mer-Rouge en passant par Moïlah, Jambo, Rabegh, et atteignait La Mecque sans toucher à Djeddah. Ce voyage durait trente-sept jours, dont trente de marche et sept de repos. Dès la fin du dernier siècle, des pèlerins allaient de préférence s’embarquer à Suez ou à Cosseïr ; malgré la surveillance du gouvernement, les bonnes conditions de comfort et d’hygiène leur manquaient pendant la traversée, si l’on en juge par la relation de Niebuhr, qui a fait lui-même ce trajet avec des pèlerins, et par les plaintes d’un certain Mahmoud dans le Voyage d’Anastase.


II. — LES PELERINS ET LES CEREMONIES DU PELERINAGE.

Dans la ferveur qui suivit la première expansion de l’islamisme, le nombre des pèlerins paraît avoir été beaucoup plus considérable qu’aujourd’hui. À cette époque, les califes allaient souvent eux-mêmes à La Mecque. Les historiens arabes ne tarissent pas sur la splendeur et la charité déployées dans ces circonstances par les successeurs de Mahomet. En l’an 160 de l’hégire, le calife El-Mohdi Abou-Abd-Allah dépensa pour le pèlerinage 30 millions de dirhems[1]. Il bâtit des maisons et établit des bornes tout le long de la route de Bagdad à La Mecque. Le célèbre Haroun-al-Raschid avait juré, s’il arrivait seul au califat, de faire à pied le pèlerinage des villes saintes. Lorsque son ambition fut satisfaite, il partit à pied de Bagdad et alla ainsi jusqu’à La Mecque. On raconte qu’il fit huit pèlerinages, dont un avec sa femme Zobeïde. Dans un de ces voyages, il dépensa en cadeaux et en charités 1 million 50 dinars[2]. Lorsque le sultan Moktéder fit le pèlerinage en 350, il immola 40,000 vaches et 50,000 brebis. En 631, la mère du calife Motassem Blillah avait un train de 120,000 chameaux. Lorsque le calife, le commandeur des croyans, se rendait ainsi aux villes saintes, c’était lui-même qui faisait le sermon auquel il faut assister pour mériter le titre de hadji (pèlerin). Il y avait dans ces circonstances de quoi frapper vivement l’imagination des peuples. Aussi Abd-el-Rahman Djélal-Eddin Essayouty a-t-il composé un traité spécial sur les califes qui firent le pèlerinage.

Il est remarquable que, même après avoir acquis le titre de « commandeur des croyans, » aucun des sultans de

  1. Le dirhem vaut, d’après l’évaluation de M. Barbier de Meynard, de 65 à 70 centimes.
  2. Le dinar vaut 10 francs.