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à entrevoir le vieux tyran Fayssal. Les aventures et les tribulations de ce chef de pèlerins sont une des parties les plus amusantes et les plus caractéristiques de la relation du spirituel voyageur, qui a jeté tant de jour sûr l’état actuel du Nedjd[1].

Tous les ans, un fonctionnaire persan est désigné pour la même mission. Aussi peut-on considérer la caravane passant par le Nedjd comme la caravane officielle de la Perse, de même que celle de Syrie, qui se réunit à Damas, est la caravane officielle de la Turquie. Cependant il ne, faudrait pas croire qu’il n’y ait que des sujets du shah dans le convoi de Ryad et des sujets du sultan dans celui de Damas. La caravane qui partit de cette dernière ville en 1851 comptait deux mille pèlerins, dont trois cents Ottomans et mille sept cents Persans[2]. Les convois ne sont pas plus homogènes sous le rapport de l’orthodoxie. Ainsi la caravane patronnée et payée par le souverain sunnite de Constantinople était, en 1851, composée en majorité de chiites, et il en est de même à peu près tous les ans.

La quatrième caravane, celle de l’Yémen, est appelée Hadj-el-Kesbi, du nom du chef qui la dirige. Le point de départ est à Saana, où viennent se réunir des pèlerins venant de l’Oman et du Hadramaut. La route des Kesbi suit la chaîne des montagnes de l’Yémen et du Hedjaz parallèlement à la Mer-Rouge, laissant à sa gauche la côte basse appelée Téhama. Il y a bien quelques cols pénibles à traverser ; mais le pays est sain et habité, on ne rencontre aucun des déserts de sable dont l’Arabie est semée ; à chaque station, il y a des puits et des villages ; c’est la route la plus facile et la moins dangereuse. L’organisation définitive de la caravane a lieu à Sada, comme celle des pèlerins de Syrie à Damas. Cette ville est célèbre et respectée dans l’Yémen pour avoir donné naissance au fondateur de la secte des zeïdites, dont le souverain de Saana est le chef. Le Hadj-el-Kesbi traverse une partie du pays des Acyres et atteint La Mecque par Taïf. Cette caravane comprend beaucoup de zeïdites ; mais il doit y avoir aussi d’autres musulmans. Elle a été conduite quelquefois par des imans de Saana. Elle a un chameau sacré, comme les caravanes d’Égypte et de Syrie.

La cinquième route est celle de Djeddah, port de la Mer-Rouge

  1. M. William Gifford Palgrave est d’origine israélite et a été officier dans l’armée de Bombay. Devenu catholique et jésuite, il a longtemps habité la Syrie, où il était connu sous le nom du père Michel Cohen, et où il s’est familiarisé plus que personne avec la langue et les mœurs arabes. C’est à la générosité de l’empereur des Français qu’il a du de faire son voyage dans le Nedjd. De retour en Europe, il a quitté la règle des jésuites et est devenu protestant. Voir, dans la Revue du 15 mai 1867, un Voyage dans l’Arabie-Centrale. — M. Palgrave dans le Djebel-Shomer et le Nedjed ; par M. Ch. Lavollée.
  2. Voir, dans la Revue du 15 avril 1855, la Syrie et les Bédouins sous l’administration turque, par M. Ségur-Dupeyron.