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pèlerins sémites, touraniens, chamites, qui exhibent autour des villes saintes toutes les variétés de couleur de la peau humaine. On verra bientôt que, dans la caravane du Nedjd, les malheureux Persans sont exposés à bien d’autres tribulations.

La seconde et la troisième route sont spécialement fréquentées par les Persans ; la seconde est celle des pèlerins qui partent du lieu appelé Meched-Ali ou le tombeau d’Ali, très vénéré parmi les chiites. Le cheik du Djebel-Shammar leur fournit une escorte pour l’aller et le retour à un prix convenu. Cette caravane traverse Hail, capitale de ce Djebel ; vers Sufayna, elle rejoint la grande caravane de Syrie. Bien que le chef du Shammar et son peuple soient de la secte des wahabites, ils se montrent pleins de soins pour les pèlerins sunnites et chiites, ne leur témoignent ni haine ni mépris, et attachent le plus grand prix à conserver ce transit. Le prix de l’escorte qui va chercher les chiites à leurs villes saintes de Kerbelah et de Meched-Ali pour les conduire aux sanctuaires communs à tous les musulmans de La Mecque et de Médine constitue un des principaux revenus du cheik Talal, et ceux de ses sujets qui en font partie réalisent de gros bénéfices ; les localités traversées par la caravane profitent en même temps des dépenses des pèlerins. C’est aussi un moyen de diriger vers le Djebel-Shammar le commerce de l’Irak arabe. Les Persans se louent beaucoup des égards, d’ailleurs peu désintéressés, dont ils sont l’objet et de la loyauté avec laquelle les conventions sont exécutées par les gens du Shammar.

Il n’en est pas de même sur la troisième route, celle qui traverse le Nedjd, foyer du wahabitisme. Les sectaires du Nedjd ne peuvent cacher la haine et le mépris que leur inspirent les autres musulmans, auxquels ils appliquent la qualification d’infidèles ou d’ennemis de Dieu tout aussi bien qu’aux chrétiens et aux Israélites. Il n’y a pas d’avanies et de vexations auxquelles les chiites ne soient en butte. En 1856, raconte M. Palgrave, une caravane de Persans nombreuse et chargée d’objets de grande valeur s’arrêta, en traversant le Nedjd, dans la ville de Bereydah, alors administrée par un gouverneur nommé Mohanna. Ce personnage commença par inspirer à ses hôtes des inquiétudes sur les dangers auxquels leurs richesses les exposaient : ils allaient être infailliblement pillés, probablement massacrés par les Bédouins, s’ils ne laissaient tous leurs bagages à Bereydah, où ils les trouveraient au retour. Mohanna leur offrait d’ailleurs son propre fils pour les escorter. Les Persans consentirent, et tout ce qui n’était pas strictement nécessaire pour le voyage fut laissé. Le jeune wahabite, digne élève de son père, conduisit ses hôtes non par la route ordinaire, qui est sûre et