Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par les cordes qui soutiennent les tentes. Le fort salue de ses cations l’arrivée de la caravane. Les petits garçons poursuivent de leurs injures les Persans hérétiques. Une troupe de beaux vieux chefs arabes, montant de magnifiques chevaux y arrivent majestueusement, précédés par leurs valets, qui exécutent une danse de guerre. On décharge les fusils, on brûle de la poudre aux oreilles des passans, on brandit des sabres ; on accomplit des sauts frénétiques qui font flotter au gré du vent des haillons aux couleurs brillantes. De grands personnages chevauchent, montés sur leurs mules, ou marchent à pied, précédés de leurs coureurs armés de cannes qui, à grands cris, s’efforcent de leur faire place. Des plaintes aiguës de femmes et d’enfans annoncent que deux litières se sont violemment accrochées. Enfin les gémissemens désespérés de quelque misérable indiquent trop clairement qu’il cherche un endroit écarté pour y mourir en paix. Ajoutez à ce spectacle une atmosphère d’épaisse poussière sans un soleil resplendissant, qui çà et là tire des étincelles des armes d’acier que portent les cavaliers ou des ornemens de cuivre qui surmontent les tentes et les litières. »

On aura remarqué dans le récit de Burton que les enfans de Médine exercent leur malice contre les Persans. Il y a deux causes qui attirent aux sujets du shah l’animadversion des jeunes Arabes, aussi redoutable en Orient que celle des chiens, ce qui n’est pas peu dire. D’abord, aux yeux des Turcs et des Arabes, les musulmans persans sont des hérétiques chiites, ils ne reconnaissent pas la légitimité des quatre premiers successeurs de Mahomet. En second lieu, ils portent de grands bonnets pointus, et je crois que c’est là surtout ce qui appelle sur eux la malveillante attention de la foule turbanisée, comme on disait au XVIIe siècle, et de ceux qui assujettissent sur leur tête un burnous avec des cordes en poil de chameau. Les adultes ne se font pas plus faute que les enfans d’adresser aux frères chiites les qualifications les plus injurieuses ; ainsi ils interrompent leur prière par des apostrophes de ce genre : « dérange-toi, maudit, fils de maudit ! pourceau ! frère d’une truie ! » Les Persans, qui ne sont pas en nombre, ne répondent rien. On exige d’eux des taxes doubles, et un regard durement inquisiteur les suit quand ils s’approchent des tombes des premiers califes. « Salue Omar, pourceau ! » leur crie-t-on quelquefois. On nous permettra, au nom de la politesse et de l’humanité françaises, de protester contre les mauvais traitemens que les musulmans sunnites infligent ainsi aux Persans, qui sont les plus polis, les plus aimables des Orientaux et les plus désireux de s’instruire. Il n’est pas étonnant du reste que ce peuple blanc, d’origine indo-européenne comme nous, ne s’accorde pas avec la tourbe des