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eu pour effet de changer l’équilibre entre deux termes déjà existans. Avant Mahomet, l’idolâtrie locale avait pris le dessus sur l’adoration vague du Dieu unique ; depuis Mahomet, l’idée du monothéisme est devenue dominante, mais la tendance à l’idolâtrie locale trouve encore satisfaction dans les hommages exagérés rendus à divers saints.

Les versets du Coran relatifs à la Kaaba et au pèlerinage (hadj) sont épars dans les chapitres intitulés la Vache, la Famille d’Imran, la Table, le Pèlerinage de La Mecque, etc. Les prescriptions édictées ne sont pas très claires ; il suffira de faire remarquer ici que, par la manière dont s’exprime le Coran, Mahomet ne parle pas d’une institution nouvelle : il réglemente, il consacre ce qui existait déjà, même en fait de cérémonies. Il ne faut pas non plus oublier avec quel soin le législateur arabe s’appuie sur le souvenir d’Abraham, et s’attache à faire ressortir que longtemps avant l’islamisme la Kaaba était le sanctuaire de l’adoration du Dieu unique.

Voilà pourquoi le temple de La Mecque, considéré par les musulmans comme le plus ancien sanctuaire et l’asile même du monothéisme, a pris une telle importance dans la vie religieuse des peuples de l’islam. Voilà pourquoi il est resté le but d’un pèlerinage que tout vrai croyant est tenu d’accomplir une fois en sa vie, et qui est le grand acte de son existence. Ce pèlerinage n’a pas seulement pour effet de retremper l’ardeur religieuse des sectateurs du Coran : il produit des courans de voyageurs qui sillonnent en plusieurs directions l’étendue entière des contrées musulmanes ; il est l’occasion de transactions et d’échanges nombreux ; récemment enfin, et cela le signale particulièrement à nos recherches, il a été accusé d’être un agent de propagation du choléra et une menace perpétuelle pour la sécurité sanitaire de l’Europe. C’est à ces divers points de vue que nous allons l’étudier.


I. — LES ROUTES DU PELERINAGE.

Les pèlerins se rendent à La Mecque de tous les points du monde musulman. Rien ne les oblige à faire le voyage en commun ; s’ils se réunissent ordinairement en caravane, c’est parce que cette manière de voyager est la plus sûre et la moins coûteuse. Il y a même des trajets qu’un voyageur ne pourrait faire seul. Du reste on doit dire non pas la caravane, mais les caravanes de La Mecque, attendu qu’il y en a tous les ans plusieurs partant de points divers et parcourant des routes très différentes, dont les cinq principales sont celles de Damas, du Djebel-Shammar, du Nedjd, de l’Yémen et de Djedda. La première et la dernière sont les plus importantes.