Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

acquéreurs regretter leur témérité et vouloir répéter leurs deniers, et pour couper la racine à ce mal plaise à sa majesté faire observer les anciennes ordonnances qui condamnent comme simonie exécrable la vente des magistratures. »

Dans la session de 1579, les mêmes plaintes et les mêmes vœux sont reproduits. Les trois ordres protestent également avec vivacité contre la prétention élevée par le gouvernement royal d’empêcher la traite libre des grains hors du royaume par la voie de mer. Ils mettent la même insistance à demander la suppression de la traite dite foraine, par suite de laquelle les agens du fisc prélevaient des droits sur les produits du territoire breton exportés par les marches du Maine, de l’Anjou et de la Normandie. Ces impôts sont signalés comme manifestement contraires à l’esprit du contrat d’union, parce qu’au lieu de confondre les intérêts de l’ancien duché avec ceux du royaume, ils tendent à les séparer. Les états de 1582 virent s’engager des débats fort animés, principalement soutenus par le sieur de Cucé, premier président du parlement, et par le sieur Myron, trésorier de France et général des finances en Bretagne„ commissaire du gouvernement. Les trois ordres concédèrent au roi le fouage habituel de sept livres sept sous par feu, accru d’une légère redevance pour l’entretien de quelques compagnies de gendarmerie ; ils votèrent sur leurs revenus ordinaires l’octroi annuel d’une somme de 70,000 écus pendant cinq ans, mais en subordonnant ce vote à la condition qu’il plairait à sa majesté d’accorder les requêtes énoncées dans leurs cahiers et de casser toutes les nouvelles érections d’offices, « la province et les communautés urbaines gardant le droit de constituer leurs agens de la manière qu’elles estimeraient la plus utile à leurs intérêts. »

Les états de 1582 marquent une date importante dans l’histoire de la province, car ils furent présidés par Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, auquel le roi son beau-frère venait de concéder le gouvernement de la Bretagne au préjudice des droits précédemment attribués au jeune prince de Dombes, petit-fils du duc de Montpensier[1]. Ce prince ne tarda pas à engager la province dans une politique en désaccord complet avec celle qui avait prévalu depuis plus de vingt ans. Ce pays avait vu, depuis le commencement des troubles, éclater dans le royaume quatre guerres civiles auxquelles il était demeuré étranger, recevant à peine le contre-coup des agitations qui ensanglantaient les contrées voisines. Les sympathies de la catholique Bretagne pour la maison de Guise

  1. Les lettres de provision accordées par Henri III ou duc de Mercœur sont datées de Bourbon-Lanci le 5 septembre 1582.