Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extraordinaire, qui ne saurait regarder un pays au sein duquel aucune faction n’a troublé la fidélité des sujets. Au milieu de ces débats mourut Charles IX, et l’un des premiers soins de Catherine de Médicis, investie de la régence jusqu’au retour de Henri III, alors en Pologne, fut d’adresser à M. de Bouillé une lettre pressante pour qu’il eût à faire revenir les états sur la résolution qu’ils avaient prise[1]. Il parut impossible à ceux-ci de saluer l’avènement d’un nouveau souverain par un refus. Ils accordèrent donc une somme de 60,000 livres en faisant remarquer la situation déplorable de la province, dont le commerce était nul depuis que les rebelles de La Rochelle interceptaient par leurs vaisseaux toutes les communications maritimes. Les états accomplirent dans le cours de cette session un acte des plus hardis, qui sortait manifestement de la sphère de leurs attributions. Ils firent défense de recevoir dans la charge de président des comptes, qu’il avait acquise avec l’agrément du roi, le sieur Verger[2], « jusqu’à ce qu’il se fût purgé d’appartenir à la nouvelle secte et aux opinions réprouvées. » Ils terminèrent leurs travaux par une déclaration hardie. « Sur ce que le sieur de La Touche (un des commissaires du roi) aurait aujourd’hui remis aux mains du procureur-syndic des états une lettre patente du roi pour faire lever sur les villes closes la somme de 40,000 livres pour la solde de 50,000 hommes de pied, d’autant que ces levées sont contraires aux privilèges du pays, par lesquels sa majesté ne peut imposer deniers sans le consentement des états, a été conclu que le roi sera supplié vouloir maintenir les états en leurs privilèges et ne faire à l’avenir lever aucuns deniers sans leur consentement,….. et, au cas qu’on voulût passer outre auxdites levées, ont donné charge à leur procureur-syndic et aux procureurs des villes de s’y opposer, même de prendre les juges et commissaires du roi à partie, et se sont rendus garans des frais et indemnités. » Le ministre de l’intérieur ne manquerait pas de casser aujourd’hui une délibération rédigée en pareils termes. Nos ancêtres avaient des rudesses de langage dont nous nous sommes désaccoutumés, et la suite de ce travail en fournira de nombreux exemples.

Aux états de 1576, le roi Henri III annonce par une lettre du 26 juillet qu’il est dans l’obligation, attendu les troubles religieux et les ruines et oppressions dont ils sont suivis, de lever sur son royaume, par voie de taille, la somme de 4,600,000 livres. Il requiert en conséquence ses fidèles sujets de Bretagne d’avoir à

  1. Lettre de la reine-régente, du 22 juin 1574.
  2. René Verger, pourvu d’un office de président, avait été agréé par le chancelier de France le 7 septembre précédent. Sur le refus de la chambre, il fut admis à la suite’de lettres de jussion le 10 août 1575. — Histoire de la Cour des Comptes, p. 307.