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afin que celui-ci ne pût jamais tourner ses canons contre la ville. Plus tard, Sanzay fut contraint de partager son commandement avec un second lieutenant du roi, le capitaine Gassion, sans être admis à faire valoir, comme il l’aurait fait de nos jours, ni ses droits à la retraite, ni ses titres incontestables à l’avancement.

C’était surtout avec l’assemblée des états que les gouverneurs de province étaient appelés à compter. L’impérieuse obligation d’obtenir par l’accord des trois ordres le vote préalable des dépenses contraignait à des transactions journalières un pouvoir auquel les ressources financières ne manquaient pas moins que les forces matérielles. Je me suis proposé de suivre ces assemblées dans leur action, restreinte sans doute relativement à l’idée que nous nous faisons aujourd’hui d’un corps politique, mais très efficace relativement aux intérêts spéciaux qu’elles avaient mission de protéger ; j’exposerai donc sommairement ce que cette action fut en Bretagne dans la période qui nous occupe en ce moment.

Cette époque, durant laquelle la guerre étrangère et la guerre civile réduisirent la France aux abois, vit fleurir une branche fort lucrative d’industrie bursale, celle qu’imagina François Ier lorsqu’il joignit à l’hérédité des offices la création de charges innombrables constituées à seule fin de remplir ses coffres. Poursuivant cette veine de plus en plus fructueuse, Henri II doubla le personnel de toutes les cours, et deux titulaires furent attribués à la même fonction afin de la gérer alternativement. Le système semestriel fut appliqué à l’administration des finances comme à la magistrature ; les trésoriers de France furent annulés par l’établissement des commissaires départis ; on érigea en offices royaux les charges d’huissiers priseurs, d’arpenteurs, d’experts, de marchands de vin et jusqu’à celles de mesureurs de charbon[1]. Les états luttèrent avec persévérance contre cette ruineuse invasion de fonctionnaires inutiles. Ce fut là l’objet principal des remontrances que les députés choisis dans les trois ordres avaient mission de porter en cour après la clôture de chaque session. Je donnerai la substance de ces remontrances et des procès-verbaux des assises nationales, en suivant l’ordre chronologique depuis l’année 1567, époque où commence la série non interrompue des registres rédigés par les soins de leur greffier et de leur procureur-général-syndic[2].

  1. Bailly, Histoire financière de la France, t. Ier, p. 248.
  2. J’emprunterai la plupart de mes citations aux manuscrits de la Bibliothèque impériale, fonds des Blancs-Manteaux, n° 15, 1 et 2 et n° 75. Ce sont des comptes rendus très substantiels faits par les bénédictins de l’abbaye de Redon d’après la volumineuse collection des Registres des états, dont il existe plusieurs copies, mais dont la plus complète se trouve à Rennes aux archives départementales. Les manuscrits des Blancs-Manteaux finissent avec le XVIIe siècle. Pour l’époque suivante, l’obligeance de mon honorable et savant confrère M. le comte de La Borde m’a mis en mesure de consulter les registres des archives impériales, et j’ai eu recours en Bretagne à des copies assez nombreuses existant soit dans les dépôts publics, soit dans les bibliothèques particulières. les dates précises des délibérations d’après lesquelles on pourra toujours recourir aux originaux me dispenseront de citations dont il me serait facile de surcharger un travail tel que celui-ci. Je reproduirai autant que possible textuellement les manuscrits en employant toutefois l’orthographe moderne, afin d’éviter d’année en année, et souvent de feuillet à feuillet, des disparates choquantes.