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vraie, ignore si le catéchisme publié est le même que celui qui lui avait été soumis… Sa sainteté m’ordonne de dire à votre éminence que dans des objets aussi importans elle désire que vous preniez avant tout l’avis du saint-siège, puisqu’il vous sera toujours facile de répondre, sans blesser qui que ce soit et avec toute raison, que votre éminence a besoin de consulter d’abord sa sainteté, et l’on évitera ainsi tout ce qui pourrait causer le moindre déplaisir… »


Le cardinal-légat fit pour cette seconde dépêche ce qu’il avait fait pour la première ; il la tint complètement secrète.


III

C’est, à vrai dire, le fond même des choses qui est étrange dans cette affaire du catéchisme impérial, dont les détails les plus saillans sont pour la première fois révélés ici au public. Quant à la conduite tenue par les deux gouvernemens soit à Paris, soit à Rome, quant à l’attitude prise par les personnes mêlées à cet incident, elles n’ont rien qui puisse surprendre ceux de nos lecteurs qui ont pris la peine de suivre attentivement, dans cette étude déjà un peu longue, le développement des caractères et l’enchaînement des faits. Chacun des acteurs au contraire semble être d’un bout à l’autre resté fidèle à son rôle ordinaire. En faisant si longtemps attendre, en n’envoyant même pas du tout son avis sur le catéchisme qui lui avait été préalablement et confidentiellement soumis, le Vatican s’était conformé à l’une de ses plus anciennes et plus chères traditions. Jusqu’en ces derniers temps en effet, — où parfois elle a paru changer un peu ses allures, — l’église romaine n’a pas cessé de montrer la plus grande et, selon nous, la plus raisonnable répugnance à se laisser considérer, en matière de foi religieuse et de discipline ecclésiastique, comme une sorte de tribunal de consultation qui prononcerait conjecturalement et doctrinalement sur des questions théoriques, que des événemens déjà accomplis n’auraient pas forcément imposées à sa juridiction. La lenteur qu’en pareilles occasions les congrégations cardinalesques mettent à formuler leur avis, est proverbiale à Rome même, où personne n’est jamais pressé. A propos d’une affaire très délicate et très ardue dans laquelle ils savaient engagée l’ambition personnelle du terrible souverain de la France, il n’y avait pas grande hâte à espérer de la par de vieillards fort circonspects, un peu timides, qui se sont toujours regardés comme les gardiens du dépôt précieux de la foi. Nous doutons même que le prudent ministre de sa