Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frappé de l’influence que le clergé était naturellement appelé à exercer sur les habitans de la campagne, sur cette classe immense de citoyens simples, honnêtes et braves, parmi lesquels se recrutaient principalement les plus solides instrumens de sa puissance, c’est-à-dire les soldats de son armée. Il était donc plus que jamais décidé à tâcher d’agir indirectement sur eux par l’intermédiaire de leurs évêques et de leurs curés. Pour mieux y réussir, il était loin de vouloir respecter, en ce qui le concernait lui-même, ces limites un peu confuses qui séparent la puissance civile du pouvoir temporel, et dont il était si effrayé de voir le clergé français sortir jamais, si peu que ce fût. S’il repoussait absolument l’ingérence des prêtres dans les affaires de l’état, il ne lui semblait ni fâcheux ni choquant que l’état se mêlât un peu des choses du sanctuaire. Le choix des évêques, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, dépendait uniquement de lui en vertu même du concordat. Ce n’était pas assez : il désirait avoir aussi la main sur la nomination des vicaires-généraux, des chanoines et des curés de première classe. Il avait imaginé à cet effet une combinaison ingénieuse par laquelle les ecclésiastiques ne pouvaient être promus à ces fonctions d’une nature toute spirituelle, s’ils n’avaient préalablement obtenu des grades dont la collation exclusive devait appartenir à l’université impériale. Était-ce la garantie d’une plus grande somme d’instruction et de lumières que l’empereur se proposait d’obtenir lorsqu’il donnait aux membres supérieurs de l’université la faculté d’ouvrir ou de fermer aux prêtres la carrière des hautes dignités ecclésiastiques ? Il n’est pas interdit d’imaginer qu’une considération de cette nature a dû avoir quelque influence sur lui. Cependant c’est une supposition toute gratuite. Le malheur veut qu’il ne soit pas le moins du monde question de ce motif dans les notes confidentielles adressées à M. Portalis, ministre des cultes, afin de lui indiquer la manière dont il faut procéder à l’organisation des séminaires. L’empereur insiste au contraire avec complaisance et beaucoup de détails sur cette autre conséquence de la mesure qu’il a d’avance arrêtée dans son esprit. Ce qui lui en plaît, c’est « qu’un homme qui, pour être prêtre, n’aura été sous aucune autre dépendance que celle de ses supérieurs ecclésiastiques ne pourra occuper des places de premier rang dans le ministère des cultes que si l’université impériale les lui confère, ce qu’elle pourra refuser, ajoute-t-il immédiatement avec une satisfaction évidente, dans le cas où il serait connu pour avoir des idées ultramontaines ou dangereuses à l’autorité[1]. »

  1. Notes pour le ministre des cultes, Saint-Cloud, 30 juillet 1806. — Correspondance de Napoléon Ier, t, XIII, p. 15.