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suprématie du pape, et n’avait pas regardé à se séparer de l’antique communion des fidèles. On recommandait surtout aux premiers pasteurs de l’église de France d’entretenir soigneusement la haine de leurs ouailles contre les sujets de la protestante Angleterre. Les évêques de la Vendée et des départemens de l’ouest étaient plus souvent et plus fortement que les autres invités à se répandre en invective, contre les odieuses machinations de la perfide Albion, probablement parce qu’à une époque encore récente, pendant le cours de nos troubles civils, les habitans de ces contrées avaient entretenu des relations passagères avec le gouvernement de la Grande-Bretagne. « Monsieur Portalis, écrivait l’empereur à son ministre des cultes, il serait convenable, surtout dans la Bretagne et la Vendée, si quelque évêque prenait cela sur lui, qu’il fit un mandement pour faire connaître les persécutions qu’éprouvent les catholiques d’Irlande et recommander de faire des prières pour nos frères les catholiques persécutés d’Irlande, et pour qu’ils jouissent de la liberté des cultes. Il faudrait pour cela prendre connaissance de tout ce qui s’est passé sur ce sujet, et que vous en fissiez un bel article pour le Moniteur, qui pût servir de texte au mandement[1]. » Nous n’avons point entendu dire qu’aucun évêque de France ait jamais osé ne pas tenir compte de ces pressantes recommandations auxquelles le chef de l’état savait bien se garder de donner la forme d’un ordre exprès, mais dont il surveillait de l’œil le plus jaloux la stricte exécution. Les exigences de Napoléon étaient si impérieuses sur ce point, sa méfiance si bien connue, que les évêques naguère réfugiés en Angleterre et qui y avaient vécu pendant de longues années des subsides du gouvernement britannique ne se crurent point dispensés pour cela d’obéir à la consigne impériale. Plusieurs même, sans doute afin de racheter un passé qui les gênait, mirent un zèle habile peut-être, mais en tout cas fort peu chrétien, à se vouloir particulièrement distinguer par la violence de leurs déclamations.

Il ne suffisait pas d’ailleurs de maudire du haut de la chaire les ennemis de la France ; il fallait aussi la faire continuellement retentir des éloges de son glorieux chef. Quand on parlait de lui, la froideur n’était pas de mise ; une certaine réserve dans la louange donnait même lieu à des avertissemens. Sur ce point encore, les témoignages contemporains ne font pas défaut. « Il faut louer davantage l’empereur dans vos mandemens, » disait un jour M. Real, préfet de police, à M. l’abbé de Broglie, évêque d’Acqui, puis de Gand, homme d’ancien régime, doué d’esprit, de savoir et de tact, qui, justement afin de se tirer des embarras qu’il prévoyait sans

  1. Lettre de l’empereur à M. Portalis, 21 avril 1807.