Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bienfaits du gouvernement impérial et de louer hautement son chef. A cet égard, rien de vague ni d’indécis. Les invitations que Napoléon ou ses ministres adressaient directement aux membres du clergé, afin qu’ils n’eussent garde de négliger cette partie essentielle de leur mission, étaient aussi fréquences qu’impératives. Elles entraient même, de peur que la louange ne vînt à s’égarer, dans plus de détails qu’à première vue un pareil sujet ne semblait devoir en comporter. Les évêques se trouvaient ainsi complaisamment garantis contre toute chance possible d’erreur, et les plus zélés ou les moins inventifs se contentaient de développer en l’exagérant le thème qui leur avait été fourni d’avance.

Cette révélation des dispositions réelles de l’empereur à l’endroit du clergé ne causera d’étonnement qu’aux personnes trop faciles à tromper qui, de parti pris, préfèrent s’en tenir toujours aux apparences ; mais partout, principalement en France, que le nombre en est grand ! Parmi les prêtres en particulier, combien y en a-t-il encore aujourd’hui qui, pour juger des sentimens véritables de Napoléon Ier, n’ont jamais pris connaissance d’autre chose que des lettres d’apparat solennellement adressées par lui aux évêques, des réponses qu’il a faites en public à leurs harangues complimenteuses, ou bien des conversations à effet que pendant le cours de ses voyages à travers la France le chef de l’état croyait bon d’entamer de temps à autre avec les députations d’ecclésiastiques qui se pressaient alors de toutes parts sur son passage. Ces candides serviteurs de Dieu nous permettront de le leur dire avec d’autant plus de respect que leur ingénue confiance dans toute parole sortie de la bouche d’un chef d’empire provient de leur honnêteté même, ce sont là de pauvres sources d’informations. Napoléon Ier a pris soin d’avertir lui-même qu’il fallait se garder de prendre trop au sérieux et trop au pied de la lettre ce qu’il lui arrivait de dire en de pareilles occasions. Ne jamais faire entendre qu’un langage poli, digne et bien veillant aux plus humbles membres d’une église jouissant de la considération générale a toujours été l’une des préoccupations habituelles de tous les souverains ayant, si peu que ce fût, le sentiment des convenances et de leur propre dignité. Napoléon allait plus loin. Il trouvait avantageux et partant licite d’emprunter aux prêtres de l’église catholique auxquels il avait à s’adresser l’accent propre à leur croyance religieuse, quoique cette croyance ne fût pas la sienne, et par la seule raison que cela servait ses desseins. Nous n’inventons rien : à l’époque même dont nous nous occupons,, l’empereur s’appliquait précisément à développer cette savante théorie dans sa correspondance avec le roi de Naples, celui de ses frères auquel il était en ce moment en train de donner les