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d’inspirer ses résolutions quotidiennes, l’empereur continua de garder encore dans le choix des évêques une certaine mesure de bon goût, d’à-propos et de convenance.

C’était surtout quand il s’agissait d’aller prendre quelqu’un au milieu de la foule pour l’élever au-dessus du niveau commun et lui conférer d’importantes fonctions que Napoléon savait le mieux, quand la passion ne l’aveuglait pas, tirer parti de son incomparable discernement et de sa prompte et lucide connaissance des hommes. Plus il prévoyait dans l’avenir de difficultés possibles avec Rome, plus il lui semblait important de ne présenter à l’institution canonique du souverain pontife que des évêques contre lesquels il fût difficile d’élever aucune objection fondée. Comme en ses meilleurs jours, l’empereur continua donc à recruter l’épiscopat parmi les membres du clergé que recommandaient à l’estime publique la sagesse de leur attitude, la pureté de leurs mœurs et l’étendue de leur savoir. La docilité présumée du caractère, le penchant supposé à s’attacher au nouvel ordre de choses et à la personne du maître, restèrent, ainsi que par le passé, au nombre des qualités indispensables ; seulement, et c’était en cela que consistait le changement, le mérite et les droits n’étant pas trop inégaux, les prédilections se portèrent dorénavant du côté de ces mêmes ecclésiastiques, naguère tenus systématiquement à l’écart ; et ceux-là désormais avaient le plus de chances de devenir cardinaux, évêques, ou de faire partie de la chapelle de l’empereur, qui appartenaient aux familles les plus aristocratiques de l’ancienne France. A défaut de cet avantage, c’était maintenant un titre presque égal à la faveur de Napoléon que d’avoir eu occasion de témoigner dans quelque circonstance solennelle une grande aversion pour les principes professés pendant le cours de la révolution française : Quiconque prendra la peine d’ouvrir les almanachs de 1806 à 1814, au chapitre de l’église de France et de la grande-aumônerie, aura le plaisir d’y voir figurer, parmi les évêques de récente création, une suite de personnages qui, au plus beau temps de la monarchie, n’auraient en rien déparé l’ancienne feuille des bénéfices. S’il découvre aussi d’autres noms moins aristocratiques, c’est qu’en dehors de leur valeur personnelle, le plus souvent considérable, ceux qui les jetaient avaient été indiqués au choix du souverain par des circonstances particulières de leur vie qui les rattachaient, eux aussi, à l’ancien régime, devenu si inopinément à la mode dans la nouvelle cour. Parmi les hôtes habituels du palais impérial, ceux qui étaient le plus initiés aux secrets de leur maître étaient en mesure de se raconter les uns aux autres comment M. de Boulogne, lorsqu’il avait été, de préférence à tant d’autres, désigné pour l’évêché de