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surprenante affirmation il mous permettra de penser qu’il n’a pas organisé et réglé dans ses états tout le menu détail de l’exercice extérieur du culte catholique sans avoir touché tant soit peu à la religion, et parfois, quoi qu’il en dise, d’une main assez rude. Qu’il l’ait ou non voulu, la violente étreinte de ce terrible protecteur n’a pas laissé que d’infliger à l’église des blessures dont elle porte encore aujourd’hui les marques.

Il faut être équitable toutefois et ne pas hésiter à reconnaître que l’empereur n’a été ni le premier ni le seul, parmi les princes de la chrétienté, qui ait cherché ses avantages dans la confusion intentionnellement établie, dans le mélange habilement entretenu des intérêts de l’ordre temporel avec les choses purement spirituelles. Loin d’innover, Napoléon, contre sa coutume, n’a suivi cette fois que les routes les plus battues et les traces de tous ceux qui l’avaient en France précédé au pouvoir. Il a pu à bon droit invoquer pour soutenir ses prétentions les mémorables exemples de saint Louis, d’Henri IV et de Louis XIV, que dis-je ? ceux même de l’assemblée constituante. Il possédait en outre un titre écrit, tout personnel et tout récent, qui l’armait du droit de s’ingérer dans la conduite des affaires intérieures de l’église de France. Quoi de plus étroitement lié en effet au gouvernement des âmes, et, pour une église ayant conscience de la divinité de sa mission, quoi de plus important, de plus délicat, de plus sacré et touchant de plus près aux choses de la foi que la nomination des évêques, de ces premiers pasteurs chargés eux-mêmes de consacrer les membres du corps sacerdotal et de diriger le troupeau tout entier dans les voies du salut ? En vertu du concordat, la nomination aux évêchés, sauf l’institution canonique réservée au saint-père, appartenait uniquement à l’empereur. Cette immense prérogative, jadis abandonnée sans trop de danger à des souverains connus par l’ardeur et la sincérité de leur foi chrétienne, Rome, plus fidèle à coup sûr à ses traditions séculaires qu’attentive aux circonstances des temps modernes, n’avait pas hésité à la concéder au chef de la révolution française, au souverain du nouvel empire français. Il est vrai qu’il était animé à l’égard de la religion catholique de sentimens de bienveillance ; mais, au vu et au su de tous, d’après ses propres actes et ses propres paroles, aux yeux de l’église elle-même, mise hors d’état d’entretenir à ce sujet la moindre illusion, il n’en demeurait pas moins avant tout un politique de profession, un simple philosophe et un libre penseur.

De semblables transactions, si positives et si formelles que puissent être les réserves qu’on prétend y attacher, si nombreux et si épais que soient les voiles dont on se figure les entourer, nuisent nécessairement au prestige de la religion qui les a reconnus