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Duncan Forbes prononça le nom de Wilmot. — Sans Wilmot, disait-il…

— Wilmot,… qui est ce Wilmot ?… Le médecin qu’on a mandé par le télégraphe ? Ah ! oui, je sais, je me rappelle… en bien ! que pensez-vous de ce personnage ?… Est-il jeune agréable de sa personne ? A-t-il de l’esprit ?

La réponse faite à ces questions précipitées ne fut pas de primé abord très rassurante. Oui, Wilmot était encore jeune beau, spirituel, d’excellent ton, doué des qualités les plus séduisantes… Ici la physionomie de, Ronald allait se rembrunissant à vue d’œil. Bref, sans son mariage, qui déjà remontait à plusieurs années (le front de l’auditeur se rasséréna tout à coup), Wilmot aurait encore de belles chances auprès des dames.

— Que pense de lui lady Muriel ? demanda Ronald l’œil fixé sur son interlocuteur.

— En vérité, je ne sais, répondit l’autre innocemment. Elle ne m’a jamais fait part de ses opinions à ce sujet… Je crois cependant avoir ouï dire qu’elle était de nous tous la moins favorable au docteur.

— Et Madeleine l’avait-elle pris en gré ?

— Pauvre miss Kilsyth !… vous oubliez où elle en était… C’est tout au plus si elle a pu témoigner quelque reconnaissance à l’homme qui venait de lui conserver la vie.

— Et vous dites qu’il est marié ?

— Tout ce qu’il y a de plus marié… Lady Muriel nous a maintes fois parlé de mistress Wilmot ; elle voudrait, à ce qu’il semble, avoir quelques renseignemens sur le compte de ce ménage.

La conversation en était là quand un domestique du cercle vint présenter à Ronald la carte d’un étranger qui demandait à le voir.

— Un de nos amis ? demanda négligemment Duncan Forbes.

— Quelqu’un que je n’ai jamais vu, répliqua l’officier aux gardes.

Il venait de lire sur la carte le nom du docteur Wilmot.

Le moment d’après, dans le salon spécialement destiné à ces sortes de conférences, les deux hommes se trouvaient face à face. Le docteur était à peine visible sous ses habits de voyage, mais malgré le plaid qui entourait son cou Ronald lui trouva une tournure distinguée. Tout d’abord, au lieu de la sympathie qui, selon toute vraisemblance, aurait dû exister entre eux, ils se sentirent comme gênés et pour ainsi dire mécontens. Ronald ne brillait point par l’aménité de son accueil, et le docteur, la circonstance étant donnée, devait s’attendre à d’assez vifs remercîmens. N’en recevant que de très officiels et traité avec une courtoisie qu’il avait le droit