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scarlatine précieuse à étudier dans tous ses symptômes, même ceux de la convalescence, bien des gens se pinçaient les lèvres en l’écoutant avec une moue des plus significatives. D’autres, se contraignant moins, lui demandaient s’il n’avait pas ouï parler de miss Madeleine comme d’une ravissante personne. D’autres encore épiloguaient sur la jeunesse relative de lady Muriel. — Une bien belle femme, docteur ! — ajoutaient-ils avec un sourire narquois.

Certain jour que ce genre de plaisanterie prenait un tour trop vif, — entre hommes la pente est glissante, — un jeune représentant de la maison Lothbury et Co, très silencieux d’ordinaire, hasarda un menu propos qui arrêta court la conversation affolée. — Je suis, dit-il, du même club que Ronald Kilsyth… Il ne ferait pas bon de tenir près de lui ce langage cavalier sur le compte de sa sœur et de sa belle-mère… La moutarde lui monte aisément au nez, et je ne connais guère d’homme plus friand que lui de son épée… Wilmot cependant, après les huit jours de répit qu’il avait demandés et malgré une amélioration sensible dans l’état de la jeune malade, ne paraissait pas songer à la priver de ses soins. Il faut dire qu’elle semblait y attacher un grand prix. Lui seul avait sur elle, même pendant les crises les plus violentes, un empire absolu. Jamais elle ne songeait à lui résister. C’était en lui seul qu’elle avait confiance, et cette confiance enfantine le mettait en passe de lui rendre mille petits soins que ses plus riches cliens auraient vainement espérés de sa complaisance. A Londres, il maintenait avec une extrême rigueur ses droits de « médecin consultant. » Pour rien au monde, il n’eût accepté soit les fonctions d’un opérateur, soit la besogne du laboratoire. A Kilsyth, aucun scrupule de ce genre ne le retenait. Il composait les remèdes, posait les appareils, et, non content d’être tour à tour chirurgien ou pharmacien, il empiétait encore sur les attributions de la garde-malade, heureux de la voir s’endormir et de rester seul auprès de Madeleine.

Un jour, réveillée dès l’aube par le froid matinal, l’aimable enfant demanda son père d’une voix plaintive. Vainement la garde essaya-t-elle de la calmer : ses exhortations banales n’amenaient aucun résultat. Wilmot, caché par un rideau, comprit bien vite qu’il n’y avait ni délire ni trouble mental dans l’insistance de la jeune fille ; il se montra donc et fut accueilli comme toujours par un sourire affectueux. — Votre père, dit-il à Madeleine, votre père viendra certainement vous voir dans la matinée… Vous ne voudriez pas qu’on allât le déranger à cette heure indue.

— Oh ! non… non certainement, répondit la malade, mais une