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Ce ne fût pas tout. Le peuple juif regrettait maintenant les Asmonéens, qui du moins étaient de sang pur et de souche glorieuse. Hérode, impatienté des difficultés qu’il rencontrait dans sa recherche de la popularité, vit un ennemi personnel dans quiconque était populaire. Quand, vers la fin de son règne, les deux fils que lui avait donnés Marianne, Alexandre et Aristobule, sur qui le peuple avait reporté l’amour qu’il portait à leur mère, furent revenus de Rome, où il avait voulu qu’ils fussent élevés, ils ne tardèrent pas à être l’objet de sa jalousie soupçonneuse. Il avait découvert que les deux jeunes gens n’aimaient pas le meurtrier de leur mère, et il crut que l’intérêt de sa sûreté personnelle exigeait qu’il les fît mourir. Un autre fils, Antipater, qu’il avait eu de sa première femme, l’Iduméenne Doris, et qui avait beaucoup contribué par ses basses délations à la fin tragique des fils de Marianne, fut convaincu d’avoir voulu l’empoisonner, et périt à son tour sous la main du bourreau. C’est à cette occasion et non à celle du massacre, historiquement plus que douteuse, des enfans de Bethléem, qu’Auguste aurait dit par allusion à l’un des préceptes alimentaires du judaïsme : « Il vaut mieux être le porc d’Hérode que son fils. » Le vieux tyran ne survécut que cinq jours à son fils Antipater, et mourut, âgé de soixante-dix ans, proférant encore des menaces de meurtre.

Cette dernière tragédie l’avait complètement abattu. Les fils qu’il avait fait périr étaient précisément les mieux doués, ceux à qui il pouvait confier la poursuite de son œuvre. C’est la raison qui explique son singulier testament, contraire à toute sa politique antérieure, par lequel il partageait son royaume entre trois de ses autres fils, Archélaüs, Hérode Antipas et Philippe, nés chacun d’une épouse différente. Ce testament fut confirmé par Auguste. Peut-être Hérode se flattait-il encore de l’idée que l’essentiel était d’habituer le peuple juif à sa dynastie, et qu’à cette condition l’avenir restait ouvert aux chances de grandeur de sa maison. Seulement à Rome l’intention impériale n’était point de les laisser toujours croître, et les Césars devaient durer juste assez pour que le dernier vît tomber les Hérodes.

Passons rapidement sur l’histoire, généralement très misérable, de cette dynastie. Archélaüs, qui avait pour sa part la Judée et la Samarie ne sut se concilier ni l’affection de son peuple ni la confiance d’Auguste, qui le déposa. Ceci se passait en l’an 7 de l’ère vulgaire, et depuis lors Jérusalem vit se succéder, ces procurateurs qui partaient de Rome avec l’ordre de ménager les scrupules religieux des Juifs et ne cessaient de les irriter moins encore de propos délibéré que par ignorance et maladresse. Et puis ces procurateurs romains, pour la plupart, étaient de vraies sangsues. Ils n’acceptaient ces charges lointaines qu’avec l’espoir de s’enrichir au plus