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christianisme. Une autre de ses maximes, où le scribe reparaît tout entier, était : « celui qui ne s’occupe pas de la doctrine ne mérite pas de vivre. » De lui provient le pharisaïsme pacifique qui eût assez volontiers laissé les gens et les choses de la terre suivre leur train naturel, pourvu seulement que la liberté religieuse d’Israël fût sauvegardée. Enfin c’est lui qui formula régulièrement les principes d’interprétation et d’application de la loi, que jusqu’alors les rabbins n’avaient pas songé à réduire en système. Il est vrai que par là aussi il favorisa l’intolérable scolastique du rabbinisme ultérieur, qui trouva moyen de justifier méthodiquement par la lettre de l’Écriture les niaiseries les plus insipides. — Son collègue et rival, Schammaï, fut d’une tout autre humeur. C’est lui qui représente le pharisaïsme pointilleux, dur, inexorable, et bien que dans l’histoire évangélique on ne distingue pas ce qui, parmi les reproches adressés au parti pharisien, tombe à la charge des hillélites de ce qui n’est imputable qu’aux schammaïtes, on doit le plus souvent regarder les principes de Schammaï comme prépondérans au sein du pharisaïsme contemporain de Jésus. C’est l’avis formel du docteur Jost, qui nous montre les hillélites cédant à chaque instant la palme du combat à leurs adversaires, par esprit pacifique, nous est-il dit, et, ajoutons-le, parce qu’au fond la logique pharisienne était du côté de la « maison de Schammaï. » Celui-ci poussait la sévérité au point de faire jeûner son fils encore en bas âge. Sa belle-fille étant accouchée pendant la fête des tabernacles, où tout pieux Israélite doit habiter sous un toit de feuillage, le rigide beau-père fit enlever le toit de la chambre où reposait la jeune mère et le remplaça par des rameaux verts, pour que son petit-fils ne débutât pas dans la vie par une violation de la loi. Schammaï n’était du reste nullement d’avis que le vrai pharisien dût se désintéresser de la politique et renoncer à l’espoir d’une transformation des choses de la terre au bénéfice du principe de la rigidité légale, et sur ce point encore le gros du parti pharisien lui donna raison jusqu’à la ruine du temple. C’est plus tard, et quand les événemens eurent prouvé que le point de vue de Hillel était, sinon le plus logique, du moins le seul conforme au bon sens et à la réalité, que la renommée du pacifique et prudent rabbin rejeta au second plan celle de son austère contemporain.

Avec tout cela, le judaïsme était devenu une religion très compliquée, très difficile à pratiquer. Nous nous faisons difficilement une idée du caractère absorbant de la dévotion pharisaïque. Tout le monde connaît par exemple l’institution du sabbat, et presque tout le monde convient qu’entendue raisonnablement, sans exagération d’aucun genre, conformément au principe qu’elle est faite