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n’aimaient nullement et dont ils se plaisaient à ridiculiser les conséquences. On aurait bien tort néanmoins de faire de ces deux partis deux sectes séparées, deux églises. Ces controverses ne touchaient pas à l’essentiel, tout était toujours subordonné au grand point, conformité à la loi.

C’est ce qui nous explique pourquoi le pharisaïsme profita plus que toute autre tendance du travail des scribes. Sa prétention était de réaliser dans la pratique l’idéal de stricte observance qui, depuis Esdras, planait sur la conscience nationale, et dont les scribes cherchaient à déterminer les moyens et les conditions. Le scribe et le pharisien s’engendraient donc mutuellement, et ce n’est pas sans cause que l’histoire évangélique les rapproche habituellement. Il faut faire à propos des pharisiens les mêmes réserves que nous venons de faire au sujet des scribes. M. Grætz, qui leur est très sympathique, proteste avec énergie contre le reproche d’hypocrisie systématique dont ils sont poursuivis depuis dix-huit siècles, et le fait est que, quand on voit leur persévérance, leur zèle patriotique et religieux, le courage avec lequel ils ont immolé leur liberté et leur vie à la poursuite de leur chimère, on ne peut leur refuser cette estime due à tout parti qui se fait égorger plutôt que de renier ses principes. Cela dit, n’oublions pas que les mêmes causes ont dans tous les temps amené les mêmes effets. Du moment qu’aux applaudissemens de la foule vous faites consister l’essence de la vie religieuse et morale dans une règle extérieure, dans une pratique minutieusement codifiée, dans une série de formes hors desquelles vous ne reconnaissez ni piété ni moralité réelles, que vous vous appeliez pharisien, jésuite ou méthodiste, vous ne pouvez faire autrement que d’ouvrir à deux battans la porte de l’hypocrisie. Il est évident en effet que tous ceux, et il y en a toujours, qui voudront spéculer aux dépens des bonnes âmes sur le prestige que donnent de pareils dehors auront une tâche bien facile. Qu’importe l’uniforme, si l’armement est sûr ? Quand ils n’étaleront pas leurs jeûnes austères, ils sauront faire montre de leur discipline, et si ce n’est pas leur phylactère qui leur sert de cocarde, ce sera l’eau bénite ou le « patois de Chanaan. » En un mot, nous reconnaissons volontiers qu’au premier siècle de notre ère tous les pharisiens, tant s’en faut, n’étaient pas des hypocrites ; mais nous ajoutons que tous les hypocrites étaient des pharisiens, et voilà ce que M. Grætz a un peu trop oublié.

Outre le souvenir de Simon le Juste, d’Antigone de Socho et de quelques autres qui appartiennent encore aux temps antérieurs à la révolte contre la Syrie, la tradition talmudique à conservé les noms et quelques dires essentiels des rabbis qui, sous les