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des enfans d’Esaü, des Edomites ou Iduméens, qui habitaient au sud. Hyrkan reprenait au profit du judaïsme la politique qui avait si mal servi la dynastie syrienne, c’est-à-dire que, non content de la conquête matérielle, il voulut la consolider par la conquête religieuse. Les Iduméens durent se laisser circoncire et embrasser le judaïsme. Hyrkan ne se doutait guère qu’il introduisait ainsi dans la famille juive les meurtriers des derniers Asmonéens. En même temps il avait soin d’entretenir d’excellentes relations avec Rome, qui ne demandait pas mieux, espérant bien que le jour viendrait de pêcher en eau trouble.

C’est ainsi que l’état juif, sans être de première grandeur, était redevenu considérable, et d’autant plus que seul il faisait preuve de vitalité au milieu des royaumes énervés qui l’entouraient. Plusieurs ports de la Méditerranée, entre autres Joppé, furent annexés de gré ou de force et fournirent de précieuses ressources au trésor juif. Hyrkan donna aussi ses soins à l’organisation intérieure. Le sanhédrin fut constitué sur son pied normal, avec ses soixante et onze membres, prêtres, docteurs et notables, son nassi ou directeur suprême, son ab-bet-din ou lieutenant chargé spécialement de présider les débats judiciaires. Ce corps tenait à la fois du sénat conservateur, de la représentation nationale et de la cour suprême. Enfin, et avec une habileté qui fait penser à la politique de bascule de certains souverains constitutionnels de nos jours, Hyrkan sut se servir dans l’intérêt de sa domination des deux partis dont l’antagonisme grandissant menaçait l’état juif d’un déchirement intérieur. Ceci mérite qu’on s’y arrête.

Le peuple juif pouvait aspirer de nouveau à jouer un rôle politique. Cela ne s’était pas vu depuis les jours de Salomon. Naturellement les nouveaux princes étaient les premiers à ressentir ces bouffées d’ambition, et Hyrkan surtout s’était lancé dans cette voie avec autant de succès que d’audace ; cependant il fallait, avec la constitution d’un grand état, accepter les conditions qui en assurent la sécurité et les progrès. L’hellénisme, comme parti de l’étranger, était mort ; mais sous combien de formes ne reparaissait-il pas ! Il fallait des troupes toujours sur pied ; pour cela, des phalanges de soldats de fortune étaient nécessaires, et les aventuriers qui les composaient venaient de pays grecs ou grécisés. Aux camps, en présence d’ennemis déterminés, il n’y avait pas moyen d’observer les innombrables préceptes de la loi traditionnelle. Allait-on, les jours de sabbat, se laisser niaisement écharper parce qu’il était défendu par la loi de faire aucune œuvre en ce jour-là ? Devait-on mourir de faim en pays polythéiste parce qu’on n’y trouvait pas d’alimens sanctionnes par Moïse ou apprêtés conformément aux