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juif depuis la mort de ce héros de l’indépendance nationale jusqu’au moment où l’immixtion des Romains dans les affaires de Judée vint changer complètement la situation politique de ce paya, ce nom dynastique provient, dit-on, d’un certain Hasamon ancêtre inconnu de la famille. D’autres ont pensé qu’il indiquait plutôt un titre honorifique. Ce détail est obscur et n’importe guère. Ce qui est plus important, c’est de savoir pourquoi, pendant plus d’un siècle, une famille jusqu’alors ignorée se vit investie de la souveraineté par le peuple des rangs duquel elle était sortie, et pour cela il est indispensable de reprendre les choses d’assez haut.

Nous avons dit dans nos études sur les prophètes d’Israël[1] que la restauration autorisée par Cyrus en 536 fut bien loin de répondre aux espérances des nâbis de la captivité, et lorsque, soixante-dix-huit ans après le premier retour, Esdras et Néhémie amenèrent des bords de l’Euphrate du renfort en nombre et en zèle religieux, ils s’aperçurent avec douleur que tout ou à peu près était encore à faire. Esdras fut le grand homme de cette restauration, en ce sens que, s’il ne put tirer le peuple juif de son insignifiance politique, il parvint à lui imprimer la direction religieuse à laquelle depuis il n’a cessé d’obéir, et qui lui a valu son importance historique.

En réalité, ce fut un peuple nouveau qui se constitua en Judée, et il faut bien se garder de le confondre avec le vieil Israël des douze tribus et des prophètes, qui succomba irrévocablement sous les coups des rois de Ninive et de Babylone. Les Juifs ne représentent guère qu’une tribu sur les douze. Des Judéens ou fils de Juda formèrent à peu près exclusivement la masse des retournés. Les Israélites-Juifs revenus de Babylone n’étaient, ne pouvaient être que d’ardens monothéistes, pleins de vénération pour les traditions mosaïques, de foi dans l’avenir annoncé par les prophètes, et tout disposés à accepter les mesures prises par les chefs religieux de la restauration. Leur descendance immédiate fut imprégnée dès l’enfance de monothéisme incontesté et de soumission à la loi qui en protégeait la pureté. Cela passa dans le sang, et le régime rigidement légal inauguré par Esdras, régime calculé pour établir, selon l’expression rabbinique, « une baie » conservatrice autour de la loi, s’enracina de plus en plus dans les habitudes. A la seule condition de payer régulièrement le tribut et probablement aussi de fournir une quote-part aux armées du grand roi, les Juifs jouissaient d’une véritable autonomie. Le grand-prêtre, qui représentait l’autorité locale suprême dans cette petite république théocratique, était nommé ou du moins confirmé par le satrape de la province. C’était

  1. Voyez la Revue du 15 juin et du 1er juillet 1867.