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ici le cas, lorsque la race et la religion se confondent. Il doit y avoir là quelque chose de cette faculté instinctive qui permet à l’enfant de comprendre sa mère à demi-mot. On aimera peut-être à savoir comment l’érudition juive de nos jours envisage la période la plus intéressante pour nous de l’histoire d’Israël, celle qui va de l’insurrection nationale de l’an 167 avant notre ère à la destruction du temple par Titus, l’an 70 après Jésus-Christ. L’histoire religieuse d’aujourd’hui s’applique avec une ardeur croissante à l’étude des origines du christianisme ; mais le christianisme naissant a pour berceau et pour cadre le judaïsme politico-religieux de cette même période, et il faut absolument bien connaître cette phase du judaïsme pour se faire une juste idée de l’œuvre personnelle de Jésus. Cette époque se partage naturellement entre les deux dynasties des Asmonéens et des Hérodes, et cette division sera aussi la nôtre. Toutefois, avant de passer de la première à la seconde, il conviendra de nous arrêter sur les tendances religieuses nées avec les Asmonéens, et dont l’action, se prononçant sous les Hérodes avec toujours plus d’intensité, explique la catastrophe par laquelle se termine cette dramatique histoire. C’est un sujet d’une richesse extrême, et nous devrons éliminer de notre champ d’examen tout ce qui ne se rapporte pas au peuple juif de Judée proprement dit. Du reste, en vue de l’intérêt spécial des origines du christianisme, il est inutile de quitter la terre sainte. Rien ne prouve mieux que les ouvrages des savans juifs combien peu les influences étrangères eurent d’action sur la marche des idées religieuses au sein du peuple juif de Palestine. Le judaïsme alexandrin lui-même, si important à connaître pour l’histoire de la théologie chrétienne ultérieure, n’a rien à faire avec la prédication première de l’Évangile[1].


I

Les Asmonéens sont la série de princes et de rois, parens et successeurs de Juda Macchabée, qui dirigèrent les destinées du peuple

  1. Les deux ouvrages que nous consultons de préférence, en nous permettant parfois de les critiquer, font partie de la collection de livres juifs que patronne la Société de littérature israélite fondée depuis quelques années à Leipzig. M. Jost, l’auteur du premier, est mort depuis peu d’années. Plus philosophique et plus sympathique au christianisme que la longue histoire de M. Grætz, son livre est moins pittoresque et moins riche de détails. Ce dernier, avec un peu de prolixité et, ajoutons-le, un peu trop de complaisance pour l’indigeste compilation du Talmud, a élevé tout un monument à l’histoire de son peuple. Il a commencé, nous ne savons pourquoi, peut-être par des raisons de prudence qu’il ne nous appartient pas d’apprécier, par le troisième volume, qui s’ouvre à la mort de Juda Macchabée. Les deux premiers volumes, promis depuis longtemps, sont encore à paraître.