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Bavière, en pouvait avoir la possession immédiate. La sécurité permanente de la France est ici en jeu. On voit par cet exemple saisissant comment, par son travail intérieur en Allemagne, la Prusse pourrait étendre et envenimer contre nous les effets du traité de Prague, si nous n’en exigions point l’exécution stricte. La question des forteresses de la rive gauche du Rhin est identique à ce qu’a été pour nous la question du Luxembourg.

Si les empiétemens de la Prusse au-delà du traité de Prague sont pour nous une chose grave et que nous ne pourrions pas tolérer sans déchéance, le péril des tendances prussiennes est bien plus menaçant encore pour l’Autriche. L’indépendance apparente des états du sud est le seul support possible de la portion allemande de l’empire autrichien. Que les états du sud se laissent absorber peu à peu par la Prusse, et l’Autriche allemande reste en l’air et n’a plus qu’à se dissoudre dans le foyer commun de l’unité germanique. Mais la malheureuse Autriche n’est pas seulement ruinée par le travail prussien en Allemagne ; elle a un autre ennemi tenace et corrosif dans le gouvernement russe, dans le panslavisme, dans l’agitation entretenue parmi les populations chrétiennes de la Turquie d’Europe par l’esprit moscovite. L’Autriche est donc menacée et attaquée de deux côtés à la fois. Une chose augmente l’intérêt dramatique de cette situation violente de l’Autriche, c’est l’alliance maintenant séculaire, alliance étroite, intime, rendue indissoluble par la complicité dans l’oppression de la Pologne, qui unit les gouvernemens de Prusse et de Russie. S’il n’y avait pas de France en Europe, comment pourrait faire l’Autriche pour échapper à l’étreinte des deux colosses ? Si l’Autriche finissait par se dissoudre, quel repos, quelle sécurité, quel honneur, resteraient-ils à la France en face de ces deux puissances maîtresses du nord et de l’orient ? La circonstance est pressante ; au milieu des surprises rapides dont notre époque est troublée, elle pourrait devenir terrible. Puisque de pareilles perspectives sortent des faits toutes seules, comment les sollicitudes les plus intenses du patriotisme ne seraient-elles point émues ? Comment ceux qui ont charge de la conduite des événemens en France et en Autriche s’oublieraient-ils dans des amusemens frivoles et une sceptique insouciance ? Les cabinets de Vienne et de Paris vont expédier des circulaires à leurs agens diplomatiques pour leur donner la consigne sur le langage à tenir et l’attitude à prendre à propos de l’entrevue de Salzbourg. Nous ignorons les insinuations qu’on pourra se permettre dans ces documens. Nous sommes certains qu’on n’aura garde de montrer les choses sous l’aspect dramatique qu’elles ont à nos yeux ; mais nous ne croirions point être téméraires en avançant qu’il est impossible que les interlocuteurs impériaux n’aient point sondé dans ses profondeurs la réalité devant laquelle les événemens les ont placés.

Il ne serait ni facile ni opportun d’aborder avec des plans artificiels et