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les parfaits écrivains, il a l’abondance des pensées qui nourrit le raisonnement et l’entrain qui est le sel du récit.


II

Tous les historiens de l’Écosse ont mérité plus ou moins le reproche adressé par Augustin Thierry à Robertson. Il semble, à les lire, qu’il n’y ait pas de nation dans leur pays, qu’il n’y ait qu’un mélange confus, un chaos d’hommes avant le XIVe siècle, et qu’à ce moment l’Ecosse toute constituée, tout armée, soit parvenue à une maturité subite. Le génie perçant de notre grand historien, voyant plus loin dans les romans de Walter Scott que Walter Scott lui-même, s’assura de bonne heure qu’il n’en était pas ainsi. Ni l’Histoire d’Ecosse de l’auteur de Bob-Roy, ouvrage hâtif, besogne escomptée par des créanciers à un courageux vieillard, ni celle de Tytler, très étudiée, mais très prolixe, n’ont mis en lumière ce qu’entrevoyait Augustin Thierry. La nation écossaise existe et se reconnaît bien avant le XIVe siècle, quoiqu’elle ne parvienne à la libre disposition d’elle-même et à l’unité que longtemps après. C’est là réellement la pensée générale de l’ouvrage de M. Burton ; là est l’opportunité de son livre. Le mouvement des nationalités provoque aujourd’hui la curiosité de tous les hommes qui pensent. En voici une qui a son commencement et sa fin. L’œuvre de cette nation est terminée, l’étude en peut être complète. Si tout n’y est pas à l’abri du blâme, on peut dire cependant que le hasard et la violence n’y ont qu’une faible part. C’est librement, spontanément que cette nationalité a commencé, qu’elle a duré, qu’elle a fini.

Quelles sont les origines de la nationalité écossaise ? C’est à peu près demander où commence le Nil. La respectable liste de rois pictes par laquelle débute de temps immémorial toute histoire d’Ecosse, au lieu de marquer les commencemens de la nation, ne sert qu’à les cacher. Ces listes de rois étaient opposées par les Écossais aux généalogies que les rois d’Angleterre prenaient toutes faites dans le roman de Brut. C’est ainsi que les deux peuples, en lutte continue depuis le XIVe siècle, ont fait assaut de dignité. C’étaient comme des substructions par lesquelles ils donnaient à leurs maisons royales des assises de plus en plus profondes. Les Écossais s’arrêtèrent à un Fergus fictif qui aurait vécu du temps d’Alexandre le Grand. les Anglais, plus hardis, firent remonter leurs rois au siècle de Samuel, comme on le voit dans une déclaration du roi Edouard Ier au souverain pontife. Il est vrai que cette liste triomphante présentait des solutions de continuité qu’on ne pouvait reprocher à la liste écossaise. Au fond, la dynastie ou les