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que l’on veut aujourd’hui savoir ; ils aimaient, je ne les en blâme pas, ils aimaient trop la lumière et le grand jour pour s’en aller fouiller les recoins obscurs. Avec son esprit vraiment puissant et qui savait tirer de justes conclusions des informations les plus minces, Robertson se tirait des difficultés et s’affranchissait de la corvée ennuyeuse en disant : « Cette époque est remplie de fables et d’obscurité. » Une phrase bien tournée l’exemptait d’une année de recherches. On est devenu plus exigeant, on veut connaître ce que c’est qu’un thane, un abthane, un ogtiern, un cynghellior, et autres noms barbares avec lesquels les Saxons, les Scots, les Bretons, désignaient les rangs administratifs. Pour deviner ces énigmes, ce n’est pas une mauvaise préparation, suivant M. Burton lui-même, qui en sait quelque chose, que d’avoir vécu dans le monde de la plaidoirie anglaise ou écossaise, et d’avoir appris à démêler les questions qui se rapportent à la trésorerie ou au board of trade, à décider quelles affaires seront menées à bonne fin dans une cour de common-law ou dans la court of chancery.

Le légiste distingué qui a écrit cet ouvrage se révèle particulièrement dans le récit des grands procès dont l’histoire d’Écosse est pleine. Il en est un surtout très remarquable et vraiment dramatique : c’est le débat sur la succession d’Ecosse devant Edouard Ier, vers la fin du XIIIe siècle. Mal connu, mal compris jusqu’ici, il méritait, pour cette seule raison, d’avoir une place dans ces pages. Comme il a exercé la plus grande influence sur la nationalité de l’Ecosse, et que nulle part peut-être l’auteur n’a mieux montré cette alliance heureuse du patriotisme et de la sagacité judiciaire qui fait son originalité, nous n’avons garde de priver notre travail de cette pièce à l’appui. Le mot de drame ne caractérise pas assez ce procès, où s’agitent comme autant d’acteurs l’ambition, l’intrigue, l’esprit du temps ; c’est une haute comédie politique tout entière tirée de pièces officielles, car les chroniqueurs, mal instruits ou infidèles, sont laissés de côté. La descendance des rois d’Ecosse s’était éteinte en 1290 dans la personne de Marguerite, la jeune fille de Norvège. Elle était morte à Orkney, sur la route, comme elle venait recueillir son royal héritage. Si nous en croyons l’histoire telle qu’elle est racontée, le roi d’Angleterre, Edouard Ier, invité par les états à siéger comme arbitre entre les compétiteurs à la couronne, se prononça en faveur de Baliol, à la condition pour celui-ci de lui rendre hommage comme roi d’Ecosse. Ainsi Baliol, traître à la patrie, l’aurait emporté sur les Bruce, bons et loyaux Écossais, incapables de trafiquer de l’indépendance de leur pays. Voilà ce que disent les historiens ; voyons ce que dit le procès. L’action s’engage dès l’abord, le roi impose à tous les compétiteurs la condition de le reconnaître pour suzerain. Il l’est en effet de plusieurs